quitte plus ; tous les instans de ma vie seront heureux, s’il en est un seul dans le jour où ma vue, où mon empressement à vous plaire, dissipent le souvenir de vos pertes, portent un rayon de joie dans votre ame ».
Le visage de M, de Clémengis se couvrit de rougeur ; il prit les mains d’Ernestine, il les arrosa de larmes brûlantes. « Ah ! comment, s’écria-t-il, ai-je immolé le plus grand bonheur à de vains égards ! mes plus ardens désirs à de bizarres préjugés ! Est-ce Ernestine, est-ce l’aimable fille que je sacrifiois à l’avide ambition, au fol orgueil, qui conserve pour moi des sentimens si tendres ? Elle cherche un malheureux, un proscrit peut-être ! sa généreuse compassion l’attire dans ce désert, elle vient me consoler : ah ! je sens déjà moins des peines qu’elle daigne partager ; tout cède à présent dans mon cœur, au regret de ne pouvoir reconnoître ses bontés ».
Ernestine alloit parler, quand des voix confuses se firent entendre ; on ouvrit brusquement ; M. Lefranc, plutôt porté qu’introduit par les gens du Marquis, entra en criant : « Votre procès est gagné tout d’une voix, Monsieur ; on parle au comte de Saint-Servains, ses accusateurs sont arrêtés ; je n’ai pas voulu qu’un autre vous apportât ces heureuses nouvelles ».
« Mon oncle justifié, mon procès gagné ! s’écria le Marquis ; ah ! je pourrai donc suivre les inspirations de mon cœur, payer tant d’amour, de noblesse, de vertus. Viens, ma chère Ernestine, viens, répéta-t-il, transporté de plaisir ; viens dans les bras de ton époux : Mes enfans, dit-il à ses gens qui versoient des larmes de joie, mes chers enfants, voilà votre maîtresse ; et tendant la main à M. Lefranc : Et vous, mon zélé,