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égards pour leur situation difficile, trève de mesures rudes ou arbitraires, propres à leur faire redouter que l’exercice de leur religion ne fût entravé, et, avec cela, protection efficace contre les Indiens, — voilà tout ce qui était nécessaire pour en obtenir ce que l’on désirait[1].

N’a-t-on pas là également la preuve évidente que, dans les petits gouvernements absolus, tant vaut l’homme et tant valent les administrés ? La conduite de ces derniers est bonne ou mauvaise, selon ce que la font leurs chefs, sur qui pèse toute la responsabilité. Il semble étrange que ceux qui ont écrit sur les événements qui nous occupent ne paraissent, pour la plupart, avoir tenu aucun compte du caractère respectif des différents gouverneurs qui se sont succédés en Acadie. Ce point était pourtant, ici, essentiel à l’intelligence des faits. Pareille étude serait de médiocre importance dans le cas d’un gouvernement représentatif ; mais, en Acadie, l’autorité s’incarnait en un chef absolu, qui plus est, en un militaire dont la volonté était la loi, les désirs des ordres. Or, là où l’autorité est despotique, les bons gouverneurs font les bons sujets. Que les chefs soient équitables, justes, humains, soucieux des intérêts de tous : et la paix, le contentement découleront de leurs vertus aussi naturellement que l’eau jaillit de la source. Qu’ils se montrent, au contraire, hautains, arbitraires ou cruels, les discordes, les soulèvements peut-être se produiront avec la même certitude. Au fond, le peuple en général sera resté le même ; ce qui aura changé, c’est la tête, le gouvernant. Cela est tellement vrai que ceux de qui ces gouverneurs relèvent pourraient leur dire avec rai-

  1. Dans le MS. original — fol. 410 — tout ce paragraphe est biffé. Il figure cependant dans l’édition anglaise, vol. I, p. 333-4. C’est pourquoi nous l’avons conservé.