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son : « il y a eu beaucoup de troubles et de mécontentements sous votre règne ; donc vous avez mal gouverné ; » et vice versa.

C’est donc le caractère de ces gouverneurs qu’il faut étudier et analyser. Quand ce travail a été bien fait, il devient ensuite facile de porter un jugement sur les événements de leur administration. Celui qui n’est pas capable de s’y livrer, ou qui ne veut pas s’en donner la peine, ne doit pas se mêler d’écrire l’histoire. Bien que parfois malaisée, et particulièrement ici, cette étude est cependant possible, même sans autre secours que les documents officiels.

L’on ne peut s’attendre à ce qu’un gouverneur autocrate, s’adressant à ses supérieurs, leur dévoile ses desseins ou leur expose sa conduite dans une pleine lumière. Loin de là. Il a tout intérêt à se montrer sous le meilleur jour, à taire des faits importants, à se donner raison envers et contre tous, à mettre les torts du côté de ceux qui traversent ses projets, on gênent ses goûts et ses caprices. Néanmoins, pour l’observateur attentif, il y a presque toujours quelque chose, soit dans l’ensemble, soit dans les détails, qui permet de pénétrer sous la surface, pour y lire le caractère du personnage et y découvrir les motifs cachés de ses actions.

Que l’on parcoure les ouvrages de ceux qui ont écrit sur ces événements, et l’on se rendra compte qu’il n’y a rien ou presque rien qui nous éclaire sur la mentalité des divers gouverneurs de l’Acadie. L’on passe d’Armstrong à Mascarène, de Mascarène à Cornwallis, de Cornwallis à Hopson, de Hopson à Lawrence, comme si aucun changement n’avait eu lieu ; comme si l’on se trouvait tout le temps en présence d’un être impersonnel, n’ayant ni passions, ni intérêts, ni caprices, ni préjugés, ni défauts. Et pourtant, quelle énorme distance entre un esprit inquiet, fantasque, mal équilibré,