Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/223

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y réside n’éprouverait-elle pas des scrupules, d’insurmontables répugnances à combattre pour la France contre l’Angleterre, contre les autres provinces anglaises du Canada, et cela même après un siècle d’allégeance à ce régime, et si large et libéral que ce dernier eût pu être ! Nous ne saurions douter de la réponse à cette question. En tout cas, rien ne pourrait nous décider, nous, à combattre contre la France sur des champs de bataille étrangers. Si, à cause de ce refus, nous devions même souffrir ce que les Acadiens ont souffert, notre hésitation ne serait pas longue, avec cette différence toutefois que nous résisterions à la contrainte employée pour nous y forcer. Le raisonnement n’a rien à faire ici ; nous ne sommes pas libres de changer nos sentiments. C’est la nature qui les a implantés dans nos âmes. Si, placé dans les mêmes circonstances, l’anglais agissait différemment, il faudrait en conclure que sa nature est diamétralement opposée à la nôtre. C’est comme un lieu commun de dire que le français se laisse conduire plutôt par les sentiments que .

    notre plus grand défaut, c’est de ne pas comprendre suffisamment notre bonheur. » — (Lettre du 7 novembre 1908).

    Il ne faudrait pourtant pas oublier que les libertés dont nous jouissons sous la couronne anglaise, et dont Richard entonne ici l’hymne, nous les avons, pour la plupart, conquises de haute lutte. Notre histoire, surtout vers la fin du 18e et pendant la première moitié du 19e siècle, fut une longue suite de débats entre le pouvoir et nos hommes d’État patriotes, dont l’énergie nous a valu nos libertés constitutionnelles. Dans l’Ontario et le Manitoba, les nôtres ont encore à souffrir et à lutter pour leur langue et leur religion. Dans ces provinces à majorité anglaise, le fanatisme est vigoureux ; et nos frères n’y seraient guère en paix qu’à la condition de subir l’étouffement auquel on veut les condamner. Si l’on excepte donc la Province de Québec, l’état social de nos compatriotes au Canada n’est donc pas aussi idéal que l’on voudrait nous le faire croire. L’élément britannique ne s’y gêne pas pour restreindre leurs libertés. Nous ne savons que théoriquement ce qu’est l’anglais chez lui ; mais, dans les colonies, c’est un être hautain, qui veut nous écraser de sa « supériorité ».