Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/378

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querait la nécessité, l’urgence. La guerre entre la France et l’Angleterre existait déjà de fait ; elle allait être officielle d’un moment à l’autre : or, l’on pêche plus aisément en eau trouble[1]. Les soucis d’une campagne militaire, appelant l’attention sur bien des côtés à la fois, ne permettraient pas de la fixer sur un point particulier, isolé, perdu le long d’une plage peu fréquentée ; ou bien l’acharnement de la lutte disposerait à l’indulgence ; le bruit des armes étoufferait les plaintes des victimes. Tant que la guerre durerait, il ne pourrait facilement être question d’une enquête sur sa conduite ; comme dit le proverbe, on ne change pas de monture en passant un gué. La lutte serait longue, mouvementée. Et après, après… tout serait oublié ou près de l’être ; il ne resterait plus de ces événements qu’un souvenir confus. Si la victoire finale couronnait les efforts de l’Angleterre, tout serait enseveli dans les réjouissances du triomphe. Lawrence jouait gros jeu, et il ne l’ignorait pas ; mais il n’ignorait pas non plus que les circonstances étaient en sa faveur. La fortune n’appartient-elle pas aux audacieux ? Audaces fortuna junat[2].

Il n’y avait pas à reculer. Le mieux était encore de faire connaître une partie de ses projets aux Lords du Commerce, ce qu’il fit dans sa lettre du 18 juillet[3].

Après leur avoir représenté que les Acadiens n’avaient jamais encore prêté un serment d’allégeance sans réserve, unqualified, il leur apprend qu’il a profité de la présence à Halifax de délégués des divers districts du Bassin des Mi-

  1. C’est la Guerre de Sept ans. (1756-1763).
  2. Virgile. — Æneid X, 284.
  3. Akins. N. S. D. P. 259-60. — Can. Arch. (1894) 1755 July 18. Halifax. Lawrence to Lords of Trade. II. 307 B. T. N. S. vol. 15.