Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les églises consommer les saintes hosties, et se rendît lui-même au fort de Pigiquit, le dix, pendant que son détachement le cherchait encore. Celui d’Annapolis fut pris le six, en disant la messe, qu’on lui laissa achever. Heureusement qu’en entendant tomber les crosses de fusils tout à l’en tour de l’église, il se défia de l’aventure, et consomma les saintes hosties ; à peine eut-il achevé la messe que l’officier commandant lui signifia de la part du roy de le suivre. On visita la sacristie et le presbytère, d’où on enleva tous les papiers, registres, lettres et mémoires, etc. Le missionnaire fut conduit dans une habitation distante d’un quart de lieue, où il fut consigné jusqu’au lendemain matin que devait venir un autre détachement pour l’accompagner. Il ne lui fut permis, ainsi qu’aux deux autres, que de prendre des chemises, mouchoirs, serviettes et vêtements absolument nécessaires, que des habitants furent chercher, parce que les presbytères furent interdits sur-le-champ aux prêtres. On rassembla les trois missionnaires dans une prison commune au fort de Pigiquit et de là on les conduisit à Halifax avec cent cinquante hommes de troupes. On ne peut exprimer quelle fut la consternation du peuple lorsqu’il se vît sans prêtres et sans autels. Les missionnaires donnèrent ordre de dépouiller les autels ; de tendre le drap mortuaire sur la chaire et de mettre dessus le crucifix ; voulant par là faire entendre à leur peuple qu’il n’avait plus que Jésus-Christ pour missionnaire. Tous fondaient en larmes et réclamaient la protection du missionnaire d’Annapolis, en le suppliant de le mettre sous la protection de leur bon roy, le roy de France, protestant que Sa Majesté très chrétienne n’avait pas dans son royaume des cœurs plus sincères que les leurs, ce que le missionnaire leur promit autant qu’il serait en son pouvoir, ignorant lui-même sa destinée. Aussitôt que les prêtres fu-