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CHAPITRE VINGT-NEUVIÈME



Winslow se rend de Beauséjour à Grand-Pré pour exécuter les ordres de Lawrence. — Proclamation. — Son Journal. — État d’esprit de Winslow. — Murray. — Prebble.


Nous touchons enfin à l’exécution du projet doublement criminel de Lawrence, à cette déportation de tout un peuple, arraché violemment à ses foyers, à ce coin de terre riant et fertile, que ses ancêtres avaient découvert et colonisé un siècle plus tôt. Dans un accès de zèle pour la colonisation, la France avait laissé sur ces plages quelques douzaines de familles, qu’elle avait oubliées ensuite avec une insouciance coupable. Depuis longtemps, la France n’était plus qu’à l’état de souvenir lointain et confus, dans l’esprit des Acadiens. La tradition seule pouvait leur rappeler l’ancienne mère-patrie et l’histoire de ceux qui furent les pionniers du sol qu’ils habitaient. Ces familles avaient grandi ; les deux cents colons primitifs avaient formé un petit peuple de 17,000 âmes, qui s’était créé des habitudes, des goûts, des traditions à lui. Les Acadiens étaient comme les membres d’une même famille, unis entre eux par les liens du sang ou par de communs souvenirs. Leur patrie n’était plus la France. Leur patrie, elle était là tout entière sous leurs yeux, dans l’étendue qu’embrassaient leurs regards, dans la nature silencieuse ou dans les travaux que leurs pères et eux avaient laborieusement accomplis. Petit à petit, le travail