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En 1710, Port-Royal fut définitivement conquis par les Anglais qui lui donnèrent le nom d’Annapolis et qui furent confirmés dans la possession de l’Acadie par le traité d’Utrecht en 1713. Mais la France qui s’était réservée la possession des îles St -Jean, aujourd’hui du Prince Édouard, et du Cap Breton, appelée lors l’Île Royale, espérait y attirer les Acadiens. En effet, ceux-ci avaient, pour la plupart, manifesté leur désir de rester sujets français ; mais les gouverneurs anglais d’Annapolis, qui tiraient toute leur subsistance des habitants français, et qui ne pouvaient alors songer à les remplacer par les colons anglais, à cause de l’hostilité déclarée des Sauvages, employèrent toutes sortes de prétextes et de moyens bons et mauvais, pour empêcher les Acadiens de partir.

En sorte que ce fut sous l’occupation anglaise, de 1710 à 1755, que les Acadiens, protégés par un serment qui les constituait dans un état de neutralité entre les Anglais leurs maîtres, et les Français leurs frères, se multiplièrent au point d’arriver à former plusieurs grandes paroisses dont deux sur la rivière de Port-Royal, St -Jean-Baptiste et St -Laurent, (ou St -François, comme je l’ai trouvé dans quelques actes) ; cinq dans le district des Mines, savoir : St -Charles de la Grand Pré, St -Joseph de la rivière aux Canards, la Ste -Famille et l’Assomption sur la rivière Pigiquid, St -Pierre et St -Paul, sur la rivière Cobequid ; une à Beaubassin, St -Louis, et une à la rivière St -Jean, Ste -Anne.

Outre ces centres principaux, il y avait encore plusieurs petits postes ou missions au Cap de Sable, à la Hêve, au détroit de Canso, sans parler de Louisbourg, fondé en 1713 à l’est de l’Île Royale, pour la protection des intérêts français dans le golfe St -Laurent.

Plus tard, quand le traité d’Aix-la-Chapelle, (mai 1748), eut définitivement consacré la possession de l’Acadie à l’Angleterre, et que la France, sans attendre le jugement des arbitres, qui devaient déterminer les limites entre les deux pays, eut affirmé ses droits sur toutes les terres arrosées par les rivières se jetant à l’ouest de la baie de Fundy, c’est-à-dire sur tout le Nouveau-Brunswick actuel, en construisant les forts de Gaspéreau et de Beauséjour, de chaque côté de l’isthme qui unit la Nouvelle-Écosse au Continent, il se produisit dans les vieilles paroisses acadiennes un courant considérable d’émigration vers les nouveaux établissements des rivières Chipoudy, Petitcoudiac et Memramcook, où ne tardèrent pas à s’élever de nouvelles chapelles dont les titulaires sont moins connus.

On estime qu’en 1755, la population acadienne, tant de la Nouvelle-Écosse que du Nouveau-Brunswick, s’élevait à 14,000 ou 15,000 âmes. Rameau la porte à 16,000 ; mais ses calculs sont peut-être exagérés. C’est cette population paisible et tout-à-fait inoffensive qui fut, un jour, inhumainement arrachée de ses foyers et jetée éparse sur les côtes inhospitalières des diverses colonies anglaises. Cet acte de cruauté, de fanatisme et de cupidité, fut perpétré par les gouverneurs d’Halifax, secondés par ceux de Boston, en contravention aux volontés et aux instructions données par le Gouvernement Supérieur de Londres.[1]

  1. « Nos lecteurs savent ce qu’il faut penser de cette légende ? » Henri d’Arles.