Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/112

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s’amender. Et comme ces habitants possèdent les meilleures et les plus vastes terres de la province, (leur situation légale) ne peut être réglée tant qu’ils seront dans cet état. Et bien que je sois très éloigné de vouloir prendre une pareille mesure sans l’approbation de vos Excellences, je ne puis cependant m’empêcher d’être d’avis que, s’ils refusent de prêter serment, il serait bien préférable de les congédier. La seule conséquence qui pourrait résulter de leur départ serait qu’ils prissent les armes et qu’ils se joignissent aux Indiens pour ruiner nos établissements ; car ils sont en nombre, et nos troupes sont bien éparpillées… Toutefois, si vos Excellences sont d’opinion que nous ne sommes pas encore assez solidement fixés pour qu’il soit sage d’adopter une pareille mesure (congédier les Acadiens,) nous pourrions parer à bien des inconvénients en érigeant un fort ou quelques blockhaus sur la rivière Chibenacadie[1]… »

N’en doutons point : c’est bien de déportation qu’il s’agit ici. Lawrence n’ignore pas que le libre départ des Acadiens réjouirait la France et serait fort préjudiciable aux intérêts anglais. Néanmoins, comme préparation à des événements plus graves, cette déclaration est utile. Les voies et moyens ne sont peut-être pas encore tous définis, mais le plan lui-même est bien arrêté. La perfide proposition aux

  1. Cette citation, que nous avons complétée d’après l’original, est de cette même lettre du 1er  août 1754, citée plus haut, note 9. — Par conséquent, le commentaire de Richard n’est pas juste. Après le premier extrait qu’il en a fait, il affirme que Lawrence parle avec candeur ; et le second extrait laisse entrevoir la déportation. L’auteur d’Acadie s’est mépris, sans doute involontairement. La phrase qu’il donne comme révélant chez Lawrence un état d’esprit bien éloigné d’un noir projet comme celui de la déportation, et la seconde citation où ce projet se fait jour, sont bel et bien tirées du même document. ( N. S. D. Akins. P. 212 et seq.)