Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/146

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jourd’hui l’état d’esprit du vrai soldat : galant dans le feu de l’action ; généreux à l’heure de la victoire ; poli et amical quand tout est fini[1]. »

L’on ne peut, après cela, douter des sentiments qu’entretenait la population d’Halifax à l’égard de la déportation. Que cette disposition d’esprit ait pu exister assez généralement et se manifester assez ouvertement pour troubler un homme du tempérament de Lawrence, si peu soucieux des sentiments et des opinions de ses administrés, tant qu’il fût le maître absolu, cela indique bien que, dans l’opinion des témoins, la déportation était regardée comme une iniquité. Ce témoignage est précieux : il a une portée qui ne saurait échapper à l’attention de ceux qui se donneront la peine de s’arrêter un instant pour en peser et en mesurer la signification. Lawrence, avec l’habitude qu’on lui connaît, avec un entourage disposé à la servilité et intéressé à le seconder, avait par devers lui les moyens de façonner l’opinion publique à ses vues. Tout concourait à le favoriser : cette guerre qui se poursuivait avec ardeur, entretenant les animosités nationales déjà si violentes ; cette population qui attendait tout de l’autorité, et qui pouvait espérer, directement ou indirectement, profiter des dépouilles des Acadiens, de leurs terres particulièrement. Tout cela cependant, nous sommes heureux de le dire, ne pût prévaloir contre la force du sentiment et la droiture naturelle de la population.

  1. Le MS. original — fol. 671 — arrête cette citation de Brown après le mot aversion. Nous donnons tout le reste de la phrase. — Et cette citation est suivie de ces cinq ligues que l’auteur a bien fait de biffer : « Nous avons ici la preuve que pendant l’exécution même de la déportation, l’indignation des citoyens d’Halifax contre Lawrence, dans sa conduite envers les Acadiens, s’était exprimée assez généralement pour lui causer des inquiétudes sérieuses. »