Aller au contenu

Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quoi s’en tenir sur le fond du sujet ; l’on sait que la vérité ne tient pas plus de place dans leurs récits que la graine dans un fruit. Telles étaient, croyons-nous, les aptitudes de Parkman. Le malheur est que, doué de la sorte, et fait pour être conteur, il a voulu devenir historien. Fatalement, celui qui a un pareil tour d’esprit n’aura pas pour la vérité le respect qui lui est dû. Il est obsédé par une idée fixe : intéresser et plaire, — et l’Histoire ne s’y prête que rarement[1]. Une fois entré dans ce domaine, Parkman aurait dû se composer une nouvelle physionomie intellectuelle, adopter d’autres allures, puiser plus largement dans le fond de vérité. Le conteur de salon ne fait pas profonde impression ; sa parole ne laisse guère de traces ; l’on ne lui demande pas de fournir des preuves de ce qu’il avance : des preuves, il en prend là où il lui plaît, ou il n’en cueille pas du tout ; son anecdote racontée, tout est fini. Il n’en est pas ainsi de l’historien, et Parkman ne l’ignorait pas. Mais il ne pouvait se muer en un homme nouveau. Il ne l’aurait d’ailleurs pas voulu, car il tenait avant tout à charmer et à plaire, et la véritable histoire comporte bien des lenteurs et des détails arides. Il suffit de le pratiquer un peu pour s’apercevoir qu’il n’a pas changé de nature en abordant l’Histoire. Il ne peut rester en place, il saute d’une chose à une autre ; il va où son caprice le mène : tantôt il est à Détroit, tantôt à Port-Royal,

  1. L’auteur prétend que l’histoire se prête rarement à intéresser et à plaire. Il faut s’entendre. Les esprits légers préféreront toujours les contes ou les romans à l’histoire. Mais, pour les esprits sérieux, quelle branche des sciences humaines est-elle plus intéressante et plait-elle davantage que l’histoire ? L’histoire, traitée par un véritable historien, l’histoire à base de recherches scientifiques présentées avec art, intéresse et plaît toujours, même quand elle relate comme c’en est si souvent le cas, les crimes des hommes.