Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/17

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partial envers le gouvernement, et si zélé pour son service, paraissait, ce jour-là, songeur et morose ; on l’avait questionné, et il avait laissé échapper des paroles encourageantes ; mais sa contenance trahissait le trouble de ses pensées[1].

  1. Le MS. original — fol. 596 — porte ici la note suivante : « À l’investissement de Grand-Pré par les sauvages, cinq ans auparavant, le notaire Leblanc, qui s’était opposé au départ des habitants, avait été fait prisonnier par les sauvages et (n’avait été) rendu à la liberté qu’après une captivité de quatre ans. »

    René Leblanc avait succédé comme notaire à Alexandre Bourg dit Belle-Humeur, en décembre 1744. Le notaire était une sorte d’intermédiaire entre le gouverneur et les habitants. Il était choisi officiellement par le gouverneur en conseil. Bourg ayant mécontenté Mascarène, celui-ci le suspendit de ses fonctions et nomma à sa place René Leblanc. (N. S. D. P. 152.) Il est question de ce dernier dans les N. S. A. II. P. 82-96-142. Il semble avoir joué un rôle plutôt louche à l’égard de ses compatriotes ; les anglais ont toujours paru voir en lui un auxiliaire. Winslow dit dans une lettre à Murray, en date du 7 sept. 1755 : « René Leblanc’s son has behaved as well as his father, and the french say has prevented ye young men from going of and belive he may be trusted. » (Journal. N. S. H. S. III. P. 104.) Parkman, s’étendant avec complaisance sur l’ignorance extrême qui régnait parmi les Acadiens, cite cette phrase tirée du Mémoire de Moïse de Les Derniers : « a contemporary well acquainted with them déclares that he knew but a single Acadian who could read and Write » , — et il ajoute : » « This was, probably, the notary, Leblanc, whose compositions are crude and illiterate. » A Half-Century of Conflict. vol. II. P. 173.) Le délicat Parkman s’afflige de constater que les actes officiels d’un notaire de campagne manquent de charme littéraire ! Quant à la parole même de ce Les Derniers, il est permis de croire qu’elle exagère. Ce Bourg, auquel succéda René Leblanc, devait lui aussi savoir lire et écrire. D’ailleurs, les requêtes présentées personnellement par les Acadiens, aux assemblées des diverses provinces où ils furent déportés, montrent bien qu’il y en avait un assez bon nombre parmi eux à posséder une certaine instruction. Traiter les Acadiens de peuple grossièrement ignorant n’est pas plus vraisemblable que de les donner comme livrés corps et âme à leurs prêtres. Mais Parkman et consorts ne pouvaient manquer d’exploiter contre eux ce préjugé. Le dernier en date des Historiens anglais qui se sont occupés de la question {Tracy, Tercentenary Hist. of Can. vol. III.) ne donne-t-il pas l’ignorance comme cause pre-