Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/193

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des Acadiens, ils auraient pu le dire aussi bien des anglo-américains ; en fait cela peut se dire de toutes les colonies nouvelles. Un jugement de cette nature vaut plus ou moins, suivant le point de vue auquel on se place, et selon les circonstances de temps, de lieux et de personnes. Aux yeux de ces gais viveurs, énervés par la splendeur des cours, étrangers à la vie simple et rude du laboureur et du colon, et qui foulaient pour la première fois le sol d’Amérique, les demeures des Acadiens, si tant est qu’ils aient été à même d’en juger, devaient paraître bien modestes en effet. Il n’y avait parmi eux ni architectes ni tapissiers ; les riches brocarts, les tentures aux couleurs variées, les tableaux ne se trouvaient pas dans leurs rustiques habitations. « Ménagers de leur argent », — ils l’étaient et devaient l’être, comme le sont et doivent l’être tous ceux qui subsistent du travail de leurs bras, comme le sont tous ceux qui ne comptent pas pour vivre sur les capitaux amassés par d’autres, ou sur le labeur de ceux qu’ils exploitent, comme le sont les travailleurs ruraux.

S’il est un point sur lequel l’on ne puisse différer d’opinion, et sur lequel tous les historiens soient d’accord, c’est bien celui des mœurs douces et paisibles des Acadiens. L’on sait, à n’en pouvoir douter, qu’ils étaient industrieux, qu’ils vivaient dans l’aisance malgré la subdivision forcée de leurs terres, que leur moralité était très haute, que leur entente mutuelle était aussi parfaite qu’il est possible de l’espérer en ce monde, que leurs différends étaient réglés à l’amiable, que les pauvres étaient fort rares parmi eux et qu’ils étaient secourus avec empressement par la communauté. À ce concert unanime des écrivains, il fallait une voix discordante, et personne n’était mieux qualifié pour la