Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/214

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place en quelque sorte en dehors des circonstances de la vie réelle. En cela, ces écrivains n’ont fait qu’obéir aux meilleurs instincts de notre nature. Les grandes infortunes ont toujours eu le don de les attirer. S’ils ne font pas l’histoire, souvent ils la corrigent ; et Parkman lui-même leur aura rendu leur rôle nécessaire. Ils sont les successeurs de ces anciens chevaliers qui parcouraient le monde à la recherche de misères à consoler, d’injustices à réparer, de tyrans à punir. Il serait cruel de leur arracher des mains l’huile et le vin[1] que, comme le bon Samaritain, ils ont versés sur les plaies des victimes. Nous trouverions notre consolation dans l’oubli des maux qui ont fondu sur nos pères ; mais, comme cela ne se peut, l’amertume de ces souvenirs est cependant adouci par l’évocation du nom chéri de Longfellow et de tant d’autres âmes sympathiques.

Pour descendre à la réalité, nous dirons volontiers avec Rameau : « les Acadiens n’étaient ni poétiques, ni enthousiastes, ni rêveurs ; c’était tout simplement de braves gens, très obligeants les uns pour les autres, très-religieux, très-dévoués à leur famille, et vivant gaiement au milieu de leurs enfants, sans beaucoup de soucis ; on pourrait peindre leur physionomie en deux mots : c’était un peuple honnête et heureux[2] » — en qui il y avait une part plus ou moins grande des faiblesses propres à notre nature.

Aux témoignages non suspects que nous venons de produire, nous pourrions, dans une certaine mesure, ajouter le

  1. Le MS. original — fol. 728 — dit « le baume », mais la version anglaise met avec raison « l’huile et le vin ».
  2. Ici, même observation exactement qu’à la note 47. — Cf. Une Colonie