Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/239

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quer avec elles leurs grandes filles et leurs grands garçons pour le seul motif de la religion[1] » Parkman ajoute dérisoirement : « Elles pouvaient exposer leur propre âme à la perdition parmi les hérétiques, mais non celle de leurs enfants[2]. » Le Guerne entendait dire qu’il était triste que, pour une simple question de décence où de convenance, ces femmes aient refusé d’admettre avec elles, dans le même bateau, leurs grands garçons et leurs grandes filles. L’expression pour le seul motif de la religion signifie ici, à n’en pas douter, pour cause de décence ; les mots grands garçons et grandes filles, auxquels elle se rapporte, ne permettent pas d’expliquer autrement la pensée de Le Guerne.

L’interprétation qu’en fait Parkman est inadmissible pour une autre raison encore. Ces grands garçons, que leurs mères ne voulurent pas laisser embarquer avec elles-mêmes et leurs grandes filles, furent également déportés, puisqu’ils se trouvaient au pouvoir des autorités ; mais ils furent mis à bord d’autres navires et expédiés vers d’autres lieux. Et Le Guerne considérait comme déplorable, dans de telles circonstances, le scrupule éprouvé par ces mères, puisqu’il avait eu pour effet de désunir les familles. Nous ne nous serions pas donné la peine de contredire Parkman sur un point de si peu d’importance, si nous n’avions vu dans le fait relaté l’explication plausible d’un certain nombre de séparations.

Il est évident que les déportés étaient tenus sous l’impression que les vaisseaux qui les emportaient aborderaient au même port. Ils ne se seraient jamais imaginés le con-

  1. Lettre à Prévost, du 10 mars 1756. Cf. Appendices.
  2. Montcalm and Wolfe. I. VIII. P. 291.