Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/240

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traire ; ils étaient incapables de supposer un tel raffinement de cruauté chez les Anglais. Le Guerne, énumérant, dans la lettre que nous venons de citer, les subterfuges employés pour forcer tous les fuyards à se livrer, dit ceci : « Des courriers venus icy du Port Royal vers la fin de décembre nous ont appris qu’il n’est point de trahison dont l’Anglois ne se soit servi contre l’habitant, soit pour l’emmener, soit pour sonder ses intentions… On n’enlevoit, disait-on, les familles, que pour les empêcher de porter les armes pour les françois… et que la paix ramèneroit un chacun sur son ancienne habitation. »

Bulkeley, secrétaire du Conseil, qui a fait, sans y réussir, tant d’efforts auprès d’Andrew Brown pour justifier aux yeux de celui-ci la déportation et les circonstances qui l’ont accompagnée, dit que les Acadiens, « au lieu d’emporter avec eux leurs effets et leur argent, en remplirent des coffres et des vases qu’ils enfouirent dans la terre ou déposèrent au fond des puits ; qu’après leur départ, ces effets et des sommes considérables d’argent furent retrouvés par les Anglais[1]. » Il n’aurait pu, ce nous semble, en être ainsi, surtout pour l’argent, si les Anglais n’eussent fait aux Acadiens des promesses de la nature de celle dont parle Le Guerne.

Quoi qu’il en soit, et que la dislocation des familles ait été due à un plan préconçu — et la chose paraît certaine en autant qu’elle concerne Lawrence, — ou qu’elle ait été causée par l’ignorance dans laquelle l’on tenait les Acadiens au sujet de la destination diverse des bateaux, ou enfin qu’il faille l’attribuer à d’inavouables subterfuges, — le résultat a

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