Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/252

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dans des circonstances ordinaires, se laisseraient émouvoir par une infortune quelconque, ferment leur cœur à la compassion. À peine se rencontre-t-il ça et là quelques âmes d’élite qui daignent s’attendrir et offrir des consolations. Dans de telles conditions, qu’est-ce ces malheureux exilés pouvaient donc espérer ? Rien n’avait été préparé pour les recevoir. Ils arrivaient au commencement de l’hiver ; et leur présence était accueillie par des murmures et des craintes.

Désunis de par les ordres de Lawrence, décimés par le chagrin, la misère, la maladie, privés de secours spirituels et de consolations humaines, objet de défiance et de mépris, placés dans une situation qui n’offrait pas d’issue visible ni possible, une situation vraiment désespérée, affaissés sous le poids d’une douleur trop accablante pour être surmontée, pouvaient-ils se raccrocher à la vie, se remettre au travail, espérer quand même ? L’espoir, même vague et lointain, est le dernier lien qui nous rattache à l’existence. Mais, pour ces pauvres gens, où était cet espoir ? Pourraient-ils jamais quitter le lieu de leur exil ? Auraient-ils la liberté de se chercher, de se rejoindre peut-être, de trouver un asile assuré contre de nouvelles persécutions ? Cet espoir bien lointain, il n’y avait pas à l’entretenir. Disséminés sur toutes les plages depuis Boston jusqu’à la Géorgie ; éparpillés sur les côtes du Golfe du Mexique, aux Antilles, en Angleterre, en France, comment se réuniraient-ils jamais ? Combien d’années s’écouleraient avant de revoir cet époux, ces fils transportés l’on ne savait où ? Les reverrait-on jamais ? Résisteraient-ils au chagrin, à la misère, au climat ?

L’histoire s’est bornée à raconter l’événement principal, le fait tragique qui arracha violemment les Acadiens à leurs