Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du malheur qui s’était abattu sur ce peuple. Mais là où s’arrête l’histoire, s’ouvre le champ que cultive le poète et le romancier. En contemplant ces croix muettes perdues sur la route, le poète se prend à ressusciter et à recomposer la vie des infortunés qui reposent à leur ombre ; il décrit le bonheur qu’ils ont goûté, les espérances légitimes qui gonflaient leur cœur, les vertus qui les animaient ; puis son tableau s’achève sur la sombre désolation qui vint engloutir leur destinée. Des miettes délaissées par l’historien, il a surgi des œuvres qui honorent l’humanité, et sont comme une compensation pour l’abaissement que le crime de mécréants lui avait infligé. C’est au beau poème de Longfellow que je fais ici allusion. Ce nom et ce poème vivront aussi longtemps que l’histoire et aussi longtemps que la race humaine.

Nous nous étions proposé de consacrer nos efforts à la recomposition du chapitre si obscur de la déportation, en suivant pas à pas les exilés dans leurs transmigrations successives et répétées, dans leurs tentatives pour se réunir et trouver un refuge assuré ou goûter la quiétude et l’aisance des anciens jours, loin du bruit des aimes, loin des conflits qu’engendrent chez les hommes et les nations l’ambition et la cupidité. Mais nous avouons que le courage nous en a manqué. Nous avons hâte de fuir ces pénibles souvenirs, de nous éloigner d’un sujet qui ne pourrait qu’assombrir notre existence et raviver des plaies mal cicatrisées. Il est tard d’ailleurs pour recueillir les données de la tradition. Ce qui était possible il y a trente ans, quand vivait une génération dont l’esprit était tout rempli de ces souvenirs, ne l’est guère aujourd’hui. Nous nous bornerons donc à un court abrégé des faits principaux, moins en vue de jeter plus de