Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/320

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l’Île. Cet établissement était de date récente ; et Boscawen fait pourtant remarquer que « presque tout le bœuf et le blé qui ont servi à alimenter Québec depuis la guerre ont été tirés d’ici. Les habitants ont au delà de 10,000 têtes de bétail, et nombre d’entre eux m’ont déclaré qu’ils récoltaient chacun 1200 minots de blé par année[1] ». Boscawen ne parle pas des chevaux, moutons, porcs, etc. Ce chiffre de 10, 000 bêtes à cornes tend à confirmer nos estimés concernant le bétail que Lawrence aurait eu à sa disposition dans la péninsule ; car il ne faut pas oublier que plus de la moitié de la population de l’Île Saint-Jean se composait de ceux qui avaient échappé à la proscription de 1755, en se sauvant en toute hâte afin de ne pas tomber aux mains des soldats qui les poursuivaient ; ils avaient eu à passer auprès du fort Monckton sur la Baie Verte, en sorte qu’ils ne durent emporter avec eux que quelques effets et les ustensiles les plus indispensables. En outre, comme le dit Boscawen, l’Ile Saint-Jean, pendant les deux années précédentes, alimenta de viande, de bœuf et de blé le Canada qui souffrait de la disette. Lawrence, qui avait disposé de 40,000 têtes de bétail, sans compter les chevaux, etc., n’en parle que vaguement dans ses dépêches aux Lords du Commerce, et que comme d’une chose insignifiante, dont il ferait une distribution parmi les colons qui pourraient prendre ce bétail en hivernage. Il y avait cette différence entre Boscawen et Lawrence que l’un agissait de bonne foi, sans motifs intéressés, tandis que l’autre amoindrissait l’importance du bétail saisi pour mieux dépister le gouvernement. Ni l’un ni l’autre d’ailleurs n’avait d’entrailles ; mais Bos-

  1. Cf. Murdoch, II, XXIII, p. 347-8, d’où ces renseignements sont tirés.