Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/340

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extrémités du monde ! Mais il aurait fallu n’être pas humain pour ne pas ressentir les humiliations et les tortures morales dont on les abreuvait ; pour ne pas exprimer son mécontentement du sort cruel et injuste dont on les frappait ! La mesure des mauvais traitements devient comble même pour le chien le plus soumis. Et cependant, malgré cette accumulation d’indignités, peut-on avec tous les documents de leurs oppresseurs, signaler une seule voie de faits de la part des Acadiens, depuis leur soumission en décembre 1759 jusqu’à 1766 ! Si tel est le cas, qu’on la produise. On voit bien, dans les intrigues combinées par leurs bourreaux pour obtenir la permission de les déporter, que Lawrence et autres exprimaient des craintes pour l’avenir, qu’ils les représentaient constamment comme des êtres dangereux qui saisiraient la première occasion pour se soulever. Mais ces prétextes étaient nécessaires pour obtenir la permision désirée, et s’ils avaient eu un seul acte de résistance à signaler, on peut être sûr qu’il se trouverait consigné dans ces lettres à Amherst. La seule accusation précise que l’on trouve, de laquelle on tire des conclusions péremptoires, est que certains groupes n’avaient pas encore fait leur soumission, (f qu’ils étaient errants dans les bois[1] ». En faut-il davantage pour faire voir l’absence de griefs ? Quoi ! ces gens devaient-ils se charger eux-mêmes de chaînes pour être déportés ensuite ? L’étonnant, c’est que ceux qu’on traînait en captivité ne se soient pas rués sur leurs oppresseurs pour les déchirer avec leurs ongles, avant de

  1. « By letters from Brigr. General Whitmore, I find the few Indians and others that were still lurking on the Island of St. John’s, are all corne in… » Amherst to Lawrence. New York, 5th February 1760. — N. S. D. P. 467.