Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/388

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l’antiquité. Lorsqu’après plus d’un siècle, nous jetons un regard en arrière sur les faits accomplis, et que nous pesons les conséquences multiples de cette séparation, nous ne sommes pas loin de croire que l’humanité a largement bénéficié de ces événements. Quoiqu’il en soit, nous ne pouvons chasser de notre esprit le rapprochement que cette situation fit alors surgir. Ceux qui avaient eu la garde des prétendus rebelles Acadiens, et qui les accablèrent pour des faits dont ils n’étaient pas coupables, allaient, en devenant rebelles, rester les maîtres paisibles de leurs foyers, tandis que les loyaux allaient prendre le chemin de l’exil.

Nous référons à ces événements parce qu’ils ont eu des conséquences funestes pour un certain nombre d’Acadiens. Il fallait faire place à ceux qui s’exilaient volontairement ; les autorités anglaises étaient pour eux remplies de sollicitude ; il fallait les récompenser de leur attachement au souverain, de leurs sacrifices ; et dans quelques cas, ce fut aux dépens des Acadiens. À leur égard les souffrances de vingt-cinq années, la justice, les droits acquis comptaient pour si peu de chose. C’est ainsi qu’un groupe d’Acadiens qui, depuis dix-huit ans, vivaient en paix sur des terres qu’ils étaient péniblement à défricher, sur la rivière St-Jean, durent céder la place à ces nouveaux venus. Parmi ces nouveaux venus se trouvaient plusieurs officiers qui avaient concouru à la première déportation, ou leurs familles, et, parmi ces dernières, celle du Colonel Winslow.

Forcés de recommencer en d’autres lieux le dur labeur du colon, les Acadiens s’enfoncèrent de nouveau dans la forêt, dans un endroit à peu près inaccessible ; c’est cette dernière transmigration qui donna naissance à la colonie, aujourd’hui populeuse et florissante, de Madawaska.