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les ordres du gouverneur Lawrence et du Conseil. Je n’ai tiré de ce journal que les parties essentielles au récit de la déportation.

Le lieutenant-gouverneur Lawrence et le Conseil prirent à Halifax, le 28 juillet 1755, la décision finale d’expulser et de déporter les Acadiens. Trois jours après, Lawrence transmettait dans une longue lettre ses instructions au major John Handfield, au capitaine Alexander Murray et au lieutenant-colonel Robert Monckton, commandants respectifs aux forts Annapolis Royal, Édouard et Beauséjour et leur faisait part en même temps de « la résolution du Conseil d’expulser les Acadiens et de purger la province de tous ces mauvais sujets. »

Le même écrivait à Monckton : « L’ordre est donné d’envoyer en toute diligence à la Baie (Chignictou) un nombre suffisant de transports pour embarquer la population. Vous recevrez en même temps les instructions relatives aux dispositions à prendre à l’égard des déportés et aux endroits qui leur sont assignés et tout ce qui pourra vous être nécessaire en cette occurrence. Dans l’intervalle, vous devrez agir avec le plus grand secret, de crainte qu’ils ne s’enfuient avec leurs bestiaux, etc., etc. Et pour mettre ce projet à exécution vous devrez avoir recours à quelque stratagème pour faire tomber les hommes en votre pouvoir, jeunes comme vieux et surtout les chefs de famille. Vous les détiendrez ensuite afin que tous soient prêts à embarquer à l’arrivée des transports ; après quoi, il ne sera plus à craindre que les femmes et les enfants ne s’enfuient avec les bestiaux. »

Le six août, Monckton envoya au lieutenant-colonel Winslow, au camp Cumberland sur la Butte-à-Mirande, un billet dans lequel il exprimait le désir de lui parler. Ce qui fut arrêté lors de cette entrevue, nous est révélé par les extraits du journal de Winslow. Winslow s’embarqua le 16 août à Chignictou avec 313 hommes, y compris les officiers et arriva le 18 août au fort Édouard, à Piziquid (aujourd’hui Windsor) où il trouva une note du lieutenant-gouverneur Lawrence lui enjoignant de prendre ses quartiers aux Mines. À la marée suivante, Winslow descendit la rivière Piziquid et entra dans la rivière des Gaspareaux où il jeta l’ancre le 19. Il établit son camp entre l’église et le cimetière, réserva pour lui le presbytère, et l’église fut transformée en place d’armes.

Le presbytère de la Grand-Prée était vacant depuis le 4 août, car ce jour-là, le curé de la paroisse, l’abbé Chauvreulx avait été arrêté et envoyé au fort Édouard. Le 6 du même mois l’abbé Daudin, curé d’Annapolis Royal, fut aussi arrêté au moment où il terminait la messe et envoyé au même endroit. Quant à l’abbé Lemaire, curé de la paroisse Saint-Joseph de la rivière aux Canards, il se livra lui-même à Murray le 10 août. Ces trois prêtres (il n’y en avait pas à Piziquid depuis le mois de novembre 1754) furent envoyés à Halifax où ils furent incarcérés. Au mois d’octobre de la même année, ils furent embarqués sur le vaisseau du vice-amiral Boscawen et transportés à Portsmouth où ils arrivèrent au commencement de décembre. Ils nolisèrent une petite embarcation à cet endroit et partirent pour Saint-Malo où ils arrivèrent le 8 décembre, jour