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Un troisième détachement beaucoup plus considérable que les deux premiers, aborda à la Caroline. Les habitants de Charleston et des autres ports ne voulurent point recevoir les Acadiens. Ils leur donnèrent deux vieux vaisseaux, une petite quantité de mauvaises provisions et la permission d’aller où ils voudraient, embarqués dans ces vaisseaux qui faisaient eau de toutes parts, ils échouèrent bientôt sur les côtes de la Virginie, près d’Hampton, colonie Irlandaise. On les prit d’abord pour des ennemis qui venaient piller, ensuite pour des pirates, et enfin pour des hôtes dangereux dont il fallait se défaire. On les força d’acheter un vaisseau. Tout l’argent qu’ils purent rassembler entre eux se montait à 400 pièces de huit, et ce fut le prix qu’on leur demanda. Ce vaisseau valait encore moins que ceux qu’ils venaient de quitter et ils eurent toutes les difficultés du monde à se faire échouer une seconde fois à la côte du Maryland. Il serait injuste d’oublier de dire qu’un des magistrats de la Virginie, ayant appris la perfidie qu’on avait exercée contre ces malheureux, fit punir les habitants du village d’Hampton et qu’il envoya une chaloupe après les Acadiens pour les faire revenir et les instruire de l’état de leur vaisseau. Les débris de leur naufrage furent alors la seule ressource qu’ils eurent à espérer et ils passèrent deux mois sur une rive déserte à raccommoder leur vaisseau. Ils réussirent à la fin, après avoir remis en mer pour la troisième fois, ils eurent le bonheur d’aborder dans la Baie de Fundy. Le nom que nous donnons à cette Baie est celui de Baie Française où ils débarquèrent près de la rivière St-Jean, réduits à 900 de plus de 2, 000 qu’ils étaient à leur départ d’Acadie. Ce sont eux qui ayant dans la suite armé un corsaire se rendirent redoutables à tous les vaisseaux anglais qui naviguaient dans ces parages.

Le quatrième transport d’Acadiens que l’on avait destiné pour la Pennsylvanie eut moins à souffrir que ceux dont on vient de parler, une tempête ayant englouti leur bâtiment mit fin tout d’un coup aux misères qui les attendaient.

Parmi ceux qui ont été transportés en Angleterre, un grand nombre a succombé à la misère et aux maladies qu’elle entraîne. Ceux qui y ont échappé sont détenus dans les divers ports d’Angleterre et principalement à Liverpool. Ceux-ci ayant fait parvenir à M. le Duc de Nivernois une requête dans laquelle, après lui avoir rendu compte des persécutions que leur attachement pour la France ne cessait de leur attirer, ils réclamaient sa protection comme Français et comme malheureux, Son Excellence jugea à propos de leur dépêcher secrètement M. de la Rochette avec les instructions suivantes :

1o D’assurer les Acadiens que le roi était instruit de leur zèle inviolable pour sa personne ainsi que des malheurs auxquels ce zèle les avait réduits, et qu’à la Paix S. Mte les récompenserait comme de bons et fidèles sujets, en quelques parties de ses États qu’ils vinssent à s’établir.

2o De les assurer qu’ils pouvaient compter sur l’entière protection de Son Excellence mais que le moment n’étant pas encore venu de la rendre publique, la circonspection et le secret étaient indispensables.