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3o De prendre tous les éclaircissements nécessaires tant à l’égard des Acadiens de Liverpool que de ceux qui pouvaient être dispersés dans les autres villes d’Angleterre.

M. de la Rochette partit le 26 Décembre 1762 et arriva à Liverpool le 31. Il se transporta au quartier des Acadiens, et après s’être fait connaître à ceux qui avaient envoyé la requête à M. le Duc de Nivernois en leur produisant cette même requête, il leur fit part de sa mission et des ordres qu’il avait reçus de Son Excellence. Quelques précautions qu’il eût prises pour les engager à modérer leur joie il ne put empêcher que les cris de « Vive le Roi », ne se fissent entendre dans leur quartier, au point même que quelques Anglais en furent scandalisés. Les larmes succédèrent à ces premières acclamations, et les hommes et les enfants disaient tous en pleurant d’allégresse : « Dieu bénisse notre bon Roi ! » Plusieurs semblaient entièrement hors d’eux-mêmes : ils battaient des mains, les levaient au ciel, se frappaient contre les murailles et ne cessaient de sangloter. Il serait impossible enfin, de décrire tous les transports auxquels ces honnêtes gens s’abandonnèrent. Ils passèrent la nuit à bénir le roi et son ambassadeur et à se féliciter du bonheur dont ils allaient jouir.

Lorsqu’ils furent revenus de ce premier excès de joie, M. de la Rochette obtint d’eux les éclaircissements suivants sur la situation actuelle.

Depuis sept ans on les a détenus dans la ville de Liverpool où ils ont été transportés de la Virginie. Quelques mois après leur arrivée on leur assigna un certain nombre de maisons dans un quartier séparé, en leur donnant la ville pour prison. On assigna pareillement une paie de six sols par jour à tous ceux qui avaient plus de sept ans et de trois sols aux enfants au-dessous de cet âge.

Ils arrivèrent à Liverpool au nombre de 336 et ils sont réduits aujourd’hui à 224. Pendant les sept années de leur détention on les a peu inquiétés, mais depuis que la paix est décidée on ne cesse de travailler à les séduire. Langton, commissaire anglais des prisonniers français, les fit paraître devant lui dans les premiers jours de décembre, et leur représenta que la France les ayant abandonnés depuis si longtemps, le roi d’Angleterre voulait bien les regarder comme ses sujets, et qu’il les renverrait en Acadie où on leur rendrait leurs terres et leurs troupeaux. Ils répondirent tous unanimement qu’ils étaient Français et que c’était au roi de France de décider de leur sort.

Le commissaire les traita de rebelles. Il les menaça de les faire renfermer et de réduire leur paie, mais comme rien ne les intimidait, il eut recours à un moyen qui, par l’attachement qu’ont les Acadiens pour leur religion, semblait infaillible.

Il séduisit un certain prêtre Écossais, directeur des Acadiens, en lui promettant la place de curé principal des villages catholiques d’Acadie.

Cet homme leur prêcha des sermons scandaleux, et 54, parmi lesquels sont presque tous les vieillards, (tous ceux-là ont écrit depuis à M. le Duc de Nivernois pour le supplier de les réclamer comme sujets du roi) se déterminèrent, d’après ces sermons, à repasser dans leur pays. On doit dire cependant,