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Il faut savoir que les Acadiens étaient tous laboureurs et pêcheurs, tous adonnés à un travail et à une industrie pénibles. Leurs terres exigeaient une culture assidue. Ils étaient occupés continuellement à élever ou réparer des digues pour empêcher la mer de les submerger, et dans les intervalles de relâche ils fabriquaient des toiles ou des draps ou allaient à la pêche. D’ailleurs, les Acadiens, dans un climat très rude, quoiqu’au 44° degré de latitude jouissaient d’un air très pur et connaissaient très peu de maladies. Leur expatriation en Europe en a fait périr plus de 600 de la petite variole seulement, dont ils n’avaient aucune idée dans leur pays. Si on les établissait dans nos îles méridionales, il est indubitable que l’on n’en conserverait pas la moitié. Ce ne sont pas d’ailleurs des colons pauvres qu’il faut à ces îles, les plantations de sucre, de café, d’indigo et de coton, demandent des gens aisés, et il n’y a pas un Acadien qui ne soit à la mendicité. La colonie de Cayenne est peut être le seul endroit où l’on pourrait les placer avec un certain avantage, mais la ressource des Acadiens placés dans cette colonie, serait uniquement dans les plantations de cacaotiers, celles de sucre, d’indigo &c. &c. leur étant interdites par leur pauvreté, et il faudrait bien des années avant que le commerce profitât avec eux ou par eux.

Ainsi le climat et la nature de la cultivation et de l’industrie dans nos colonies méridionales ne convenant pas aux Acadiens, et ces peuples ayant même à cet égard un préjugé de répugnance, il semble nécessaire de tourner ses idées d’un autre côté, et c’est ce qui m’a inspiré celles dont je vais rendre compte.

1o On parle depuis longtemps en France de l’utilité qu’il y aurait à opérer le défrichement des landes de Guyenne et de Gascogne, et personne ne doute que ce ne fut un grand avantage pour l’État ; or, les Acadiens pourraient servir à former un établissement si salutaire ; et, en les plaçant dans ses déserts, on tirerait un bon parti d’eux et de leur industrie. Le climat de la Guyenne est à la vérité fort différent de celui de l’Acadie, mais il est sain, et l’on peut croire que les nouveaux colons pourraient s’y habituer sans danger. Au reste, il faut avoir l’attention de placer les Acadiens dans des parties qui avoisinent la mer et d’y former quelque havre, parce qu’alors ils auront bientôt établi un cabotage qui leur produira une nouvelle ressource. Il est vrai que la côte de Guienne est aride, sablonneuse et sujette aux tempêtes, mais l’industrie et le labeur des Acadiens pourraient tout réparer et vaincre les plus grands obstacles.

2o La Province de Bretagne a éprouvé une dépopulation sensible par la quantité de soldats et de matelots qu’elle a fournis à l’État pendant cette guerre. Cette Province a des avantages dont le défaut de population l’empêche de profiter. Le sol y est bon, la côte abonde en poisson ; la pêche du hareng pourrait y devenir une branche de commerce considérable et utile à l’état, cependant il y a dans cette Province une quantité immense de terrain inculte. La pêche n’y fait point une branche de commerce et fournit à peine à la consommation du pays. L’établissement des Acadiens dans cette Province