Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/64

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part ceux-ci, extrêmement significatifs : « se détermina… à exécuter l’ancien plan des anglois… » — Ce qui montre que, dans l’esprit de Le Guerre, la Déportation ne fut pas une œuvre improvisée, accomplie ah irato par Lawrence, mais l’aboutissement d’un plan longuement mûri par les Anglais. Et les documents ratifient cette assertion du missionnaire.


OBSERVANDA.


Dans la pensée d’Édouard Richard, ce chapitre XXX avait une importance tout-à-fait exceptionnelle ; il marquait le point culminant de la thèse qu’il s’était juré à lui-même de faire accepter du public, et qu’à force de se payer, j’allais dire de se griser de mots, il avait fini par regarder comme une vérité désormais hors du domaine de la discussion. Voici la genèse de cette thèse dans son esprit : comme tant de nos hommes politiques canadiens-français, Richard était extrêmement épris des institutions britanniques ; pour lui l’Angleterre avait toujours été la grande dispensatrice des idées libérales à travers le monde ; ayant étudié le régime parlementaire anglais surtout à travers les considérations tendancieuses et imprécises de publicistes tels qu’un Macaulay, par exemple, il s’était constitué au sujet de tout le système de gouvernement britannique un état d’esprit très-curieux, à base de bienveillance et d’admiration ingénue. En 1895 ou 96, je crois, alors qu’il était à Arthabaska, je me rappelle qu’il publia dans l’Union des Cantons de l’Est un article pour expliquer dans un sens éminemment favorable un mot qu’avait prononcé Wilfrid Laurier et qui avait donné lieu à bien des critiques. Se caractérisant lui-même, Laurier s’était appelé British to the core : expression qui à plusieurs avait paru étrange dans la bouche d’un canadien-français. Édouard Richard prétendit en donner la justification ; Laurier avait voulu signifier non-seulement sa loyauté, mais encore son admiration à l’égard des institutions britanniques en général, et, dans l’espèce, son amour pour la forme de gouvernement que l’Angleterre avait donnée au Canada, et qui, à ses yeux attendris, était comme une sorte d’idéal. Or, dans tout ce commentaire de la pensée de son ami, l’on sentait que Richard se définissait en même temps lui-même. British to the core lui semblait la formule propre à servir de devise à tout homme politique canadien, et, en général, à tout sujet anglais, à quelque nationalité qu’il appartînt. Pareil état d’esprit datait de loin chez Édouard Richard. L’on conçoit qu’il y en avait de meilleurs pour aborder impartialement et sans parti pris une période scabreuse pour la politique anglaise comme l’Histoire de l’Acadie, depuis ses origines, et surtout depuis 1710 jusqu’à la Déportation. Il lui fallait donc à toute force admettre ce fait brutal — la Déportation — et, chose difficile ! — le concilier avec le libéralisme britannique. Pour y arriver, le plus simple était de disjoindre les éléments de cette question complexe, et de montrer d’un côté les hommes d’État anglais, sinon ignorant tout de ce qui se tramait, sinon s’en désintéressant avec un égoïsme superbe et jugeant de très-