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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/76

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sures possibles pour m’y maintenir, et que pour cet effet j’avois été obligé de promettre simplement à l’Anglois de ne point toucher aux affaires d’Etat, et que voyant d’ailleurs que l’Accadien, soit pour faire sa cour, soit par imprudence, informoit au fort de tout ce qui se passoit, je ne pouvois ouvrir la bouche contre l’anglois sans m’exposer à des grosses affaires qui auroient tourné autant au préjudice de l’habitant qu’à ma perte. Ces raisons sont presque suffisantes pour justiffier ma conduitte dans cette conjecture difficile et pour ne point juger rigoureusement les habitans qui se rendirent au fort anglois.

« Je reviens maintenant à ceux qui se trouvèrent en liberté envers lesquels j’ay agy autrement. Dès que je vis les autres arrêtés au Fort, je vis bien que les ménagemens vis à vis l’anglois étoient déplacés et que je ne pouvois mieux faire que de sauver pour la religion et pour la France le reste de mon troupeau. Le commandant anglois par ses promesses séduisantes, des offres captieuses et par des présens même que je n’osai refuser pour la première fois, avait crû me mettre dans ses interests ; se croyant donc assuré de moy, il me manda qu’il souhaitoit me voir incessamment, il me connoissoit mal.

« La première qualité d’un missionnaire, s’il est digne de son nom, c’est d’être honnête homme, et le premier devoir d’un honnête homme c’est une fidélité inviolable à la patrie[1].

« Je me gardai donc bien des embûches qu’il me tendoit et je lui répondis poliment et en substance que je ne me défiois point de son Excellence, mais que j’appréhendois qu’il

  1. C’est nous qui soulignons cette belle sentence.