française, aux termes même du traité ? — Quelques historiens, oubliant l’article 5 de la capitulation et l’interprétation que Nicholson, l’un des signataires, en avait donnée, parlent de cette rencontre, désastreuse pour la garnison, comme si toute l’Acadie eut été déjà cédée à l’Angleterre et comme si Saint-Castin et ses guerriers se fussent rendus coupables de trahison. C’est une erreur absolue de leur part.
La nouvelle du succès remporté par Saint-Castin redonna aux Acadiens l’espoir de reprendre leurs possessions. L’abbé Gaulin, curé des Mines, s’efforça d’organiser une expédition contre Annapolis[1]. Il réussit à réunir deux cents
- ↑ Antoine Gaulin naquit en 1674, sur l’île d’Orléans, près Québec. Ses
parents lui firent faire un cours d’études. Admis au Séminaire de Québec, il
fut ordonné prêtre en décembre 1697. Après quelques mois d’exercice du saint
ministère, il fut envoyé dans une mission de ce qu’on appelait alors la grande
Acadie, laquelle comprenait même le Maine Américain d’aujourd’hui, à une
station nommée Panaouské ou Pentagoët, (près de Belfast, Me.) Pentagoët ne
fut pour l’abbé Gaulin qu’un pied-à-terre, car il lui fallait, disent les chroniques,
visiter fréquemment une foule de petits postes habités par les blancs
ou les Indiens disséminés le long de la mer ou dans l’intérieur des terres. Il
lui fallait même parcourir de temps en temps toute la presqu’île de l’Acadie et
traverser jusqu’au cap Breton, pour distribuer la parole évangélique aux tribus
errantes de ces régions. L’abbé Gaulin a relaté lui-même le conflit qu’il eut
avec M. de Villieu, agent de la Cie de Chédabouctou (Canseau), fonctionnaire
dont l’âpreté au gain avait déjà été mal notée par le gouverneur de Villebon.
De Villebon, dans un mémoire envoyé à la cour de France en 1697, s’était
plaint que le sieur de Villieu ne couchait plus dans le fort de Naouat,
(Sainte-Marie, en face de Frédéricton, N. B.), comme c’était son devoir, mais
que, au contraire, il passait son temps à faire la traite avec les sauvages, à
piller les soldats, et il priait la cour de “remettre le sieur de Villieu en
règle”. L’abbé Gaulin a exposé ses griefs contre Villieu et s’est défendu de
ses attaques dans une lettre à l’abbé Tremblay, grand-procureur des prêtres des
Missions Étrangères, à Paris. — Les anciens missionnaires de l’Acadie devant l’Histoire, par Ph. F. Bourgeois, p. 26-27.
Cf. au sujet de l’abbé Gaulin, Doc. sur l’Acadie, T. I. p. 190, et seq., — un document tiré des archives du ministère de la marine et des colonies,