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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/220

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etc. Philipps convertit cette clause en un droit de vendre et de disposer. Et s’il était capable de falsifier si grossièrement la lettre d’un traité, quelle valeur attacher à des assertions qu’il ne fait que de seconde main, après les avoir recueillies de la bouche de personnes tout intéressées à le tromper ? Prétendre que les pauvres Acadiens ne pouvaient rien prendre avec eux des choses qui leur appartenaient, quelle inhumaine mesure, et quelle ruse de barbare ! Mais ces gens étaient les seuls habitants du pays, ou à peu près. À qui donc auraient-ils pu vendre leurs biens avant de s’éloigner ? C’était là une fourberie dont le but évident était de les obliger à rester contre leur gré. Philipps n’allait pas tarder à se convaincre qu’il s’était laissé duper par son entourage sur les vraies causes qui avaient empêché l’exode des Acadiens, et qu’il était lui-même dans une illusion profonde, en s’imaginant que ses cruelles ordonnances allaient produire le résultat qu’il en attendait.

N’espérant donc plus fléchir le gouverneur dans sa détermination, n’espérant plus ni secours opportun ni prolongation du délai fixé, les Acadiens se mirent à l’œuvre pour deviser des voies et moyens d’effectuer leur départ. Impossible de songer à s’en aller par mer, les vaisseaux manquant ; force leur était de choisir la route de terre. Mais pour cela il fallait ouvrir des communications, là où il n’y en avait pas. Le temps pressait. Les gens de Beaubassin avaient l’avantage de pouvoir s’enfuir par Baie Verte. Mais ceux des Mines et surtout ceux d’Annapolis ? Il n’y avait pour ces derniers d’autre issue possible que par l’intérieur des terres. Or, entre les Mines et Annapolis se trouvait un espace de vingt à trente milles qui n’avait jamais été ouvert au passage des voitures. C’est de ce côté que se portèrent d’abord les efforts des Acadiens des Mines, désireux