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pêcha pas non plus les habitants de vendre leurs effets, mais de les emporter avec eux. Ce sont là sans doute des inexactitudes de détail, qu’aussi bien Parkman eut pu facilement s’exempter de commettre. Mais voyons ce que cet historien a encore à nous dire, et comment, après avoir fait une déclaration en apparence si franche et si candide, il va s’y prendre pour en pallier l’effet : « Si les Acadiens avaient vraiment souhaité d’émigrer, il n’était pas au pouvoir du gouverneur anglais de les en empêcher… Ils étaient armés, et leur nombre dépassait de beaucoup celui des troupes de la garnison… Prétendre qu’ils ont désiré quitter l’Acadie, mais qu’ils en furent empêchés par une ombre de garnison en service à l’autre bout de la province, si faible qu’elle suffisait à peine à garder la seule Annapolis, c’est faire tort à un peuple, qui, bien qu’ignorant, et sans dessein bien arrêté, ne manquait cependant pas de courage physique. La vérité est que, depuis ce moment jusqu’à leur expatriation forcée, en 1755, tous les Acadiens, à l’exception de ceux d’Annapolis et de ses alentours immédiats, furent laissés parfaitement libres de s’en aller ou de rester[1]. »

Arrêtons-nous sur cette délicieuse citation. Les Acadiens en effet, à part ceux d’Annapolis, avaient, ainsi que le dit Parkman, la puissance du nombre et pouvaient, sans qu’on eût pu y mettre obstacle, effectuer leur sortie du pays : ils ne manquaient pas non plus de courage physique. En outre, ils avaient incontestablement le droit d’émigrer. Mais nous ferons remarquer à l’historien américain ceci : ce n’est pas avec nos idées qu’il faut juger de leurs actions. Parkman aurait dû comprendre que ces gens, ces paysans ignorants, comme il affecte de les qualifier, avaient, bien autrement

  1. Ibid., p. 196-97.