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que nous, l’amour de la paix et professaient pour l’autorité un respect et une soumission qui nous sont étrangers. Au lieu de renverser par la force les barrières qu’un pouvoir inique dressait devant eux, ils s’adressèrent aux gouverneurs français dans l’espoir de faire tomber ces obstacles. Dans leur simplicité d’âme, ils s’imaginaient que les conventions d’un traité étaient chose sacrée, que la justice finirait par prévaloir. Ils ne soupçonnaient pas jusqu’où pouvait aller la perversité de leurs gouvernants. C’est leur esprit de soumission qui permit plus tard à Lawrence de les déporter. Parkman voudrait-il leur faire un crime de leur naïve obéissance ? Et parce que les Acadiens auraient pu, en dépit des autorités, effectuer leur départ, ces autorités furent-elles excusables d’en agir avec eux comme elles l’ont fait ? Avaient-elles le droit d’imposer un serment à des colons qu’elles détenaient injustement ?

Il y a d’autres considérations fort importantes auxquelles Parkman, du fond de son moelleux cabinet, ne s’est pas donné la peine de songer. S’il est vrai, par exemple, que les Acadiens de Beaubassin et des Mines étaient assez nombreux et assez forts pour passer outre à tout obstacle et réaliser leur dessein d’émigrer, nous ne pouvons en dire autant des gens d’Annapolis. Les premiers, en s’éloignant seuls, auraient donc laissé derrière eux un groupe de leurs compatriotes, de leurs parents, de leurs frères, à la merci d’un pouvoir duquel il n’y avait pas à attendre un traitement équitable. C’était exactement pour permettre à ceux-ci de se joindre à eux dans un exode commun, que les habitants des Mines avaient commencé d’ouvrir un chemin vers Annapolis. Car ils ne pouvaient pas partir sans emmener tous leurs frères. Quand des liens, rendus encore plus étroits par le malheur, unissaient entre elles les familles