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après la signature du traité de paix, les Acadiens en masse s’étaient offerts à demeurer dans la Province, pourvu qu’on les exemptât de prendre les armes contre leurs compatriotes. Et pareille détermination privait donc la France de l’apport considérable, que ces colons pouvaient ajouter à ses établissements voisins. Si les prêtres eussent exercé la pression que l’on dit, la résolution prise d’emblée par les Acadiens ne se comprendrait pas. Et donc, il faut conclure, ou que les missionnaires n’intervenaient que faiblement dans ces questions, ou qu’ils ne prenaient pas aussi à cœur qu’on voudrait le faire croire les intérêts de la France, ou qu’ils avaient souci avant tout du bien de leurs ouailles. Pour réduire à leur juste mesure les griefs qu’on leur reproche à cet égard, il faut se rappeler les préjugés qui régnaient à cette époque contre le nom catholique ; il est bon de se souvenir, également, que l’autorité qui détenait le pouvoir en Acadie était une autorité militaire, ombrageuse, jalouse à l’extrême de ses prérogatives, portée par nature à soupçonner partout des ingérences en son propre domaine.

C’est notre croyance — laquelle a pour garants les faits mêmes examinés sans passion — que l’action du clergé acadien fut, en somme, bienfaisante, qu’elle s’est exercée dans l’intérêt de la paix et de la soumission des Acadiens. Y eut-il, durant toute cette période de près trente années, qui va de 1713 jusqu’à 1740, une seule insurrection, une seule menace de troubler la paix publique, même une simple bagarre, un seul acte de résistance aux ordres de l’autorité, un seul meurtre ? Nous n’en voyons trace dans tout le volume des Archives. Durant tout ce temps, il n’y eut, à proprement parler, qu’une seule cause sérieuse de dissentiment, toujours la même, à savoir la prestation du serment.

À maintes reprises, les Acadiens avaient reçu l’ordre de