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assertions de Parkman. Voici un peuple, qui, d’après lui, est soumis aveuglément à la conduite de ses chefs religieux ; il n’a aucune initiative ; il en passe par ce que veulent ces derniers. Or ce peuple est resté fidèle, en masse, au serment qu’il a prêté. Qu’en conclure, si ce n’est que ces prêtres ont été loin de lui prêcher la révolte ? Que s’ils la lui ont prêchée, le peuple avait donc de la volonté, de l’énergie, puisqu’il a su rester dans la ligne du devoir, se soustraire à toute influence extérieure et agir d’après ses propres conseils ? Dans tous les cas, le raisonnement de l’écrivain américain pèche par la base. Et l’on peut dire de Parkman ce que le poète latin dit de l’un de ses confrères : « (Lucilius) écrit trop vite et beaucoup trop. Que de fois, en moins d’une heure, et debout sur un pied, il a dicté bel et bien deux cents vers. Dieu sait alors s’il était content de lui-même[1] ! » Parkman écrit l’histoire comme l’autre faisait ses vers, stans pede in uno, debout sur un pied, — position peu commode pour enchaîner les faits selon leur ordre véritable et pour échafauder des raisonnements qui ne se détruisent pas l’un par l’autre !

Si nous prononçons quelquefois des jugements sur le caractère d’un individu, nous n’aimons guère à le faire à l’égard de toute une race ; il est si facile dans ce cas de tomber dans l’absolu. Cependant, nous en hasarderons un sur les Acadiens, et l’on verra que le type dominant chez ce

  1.  « Nam fuit hoc vitiosus : in hora sæpe ducentos,
    Ut magnum, versus dictabat stans pede in uno. »

    Horati Satirarum. Lib. I, IV, 9-10. (Cf. The Works of Horace, edited with Explanory Notes, by Thos. Chase, L. L. D. p. 140. Philadelphia. Eldredge & Brother, No 17, Seventh Str., 1884). — Les Œuvres d’Horace, traduction de Jules Janin, Tome ii, livre i. Satire iv, p. 25. (Paris, Librairie des Bibliophiles, rue Saint-Honoré, 338, MDCCCLXXVIII).