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peuple est justement l’opposé de ce que prétend Parkman. Ce dernier fait à nos ancêtres le reproche d’être « weak of purpose », à savoir de volonté faible, et, comme on dit, « sans dessein ». Or, le trait le plus frappant des Acadiens est au contraire un entêtement extrême. Aujourd’hui encore, dans la province de Québec, lorsque l’on veut peindre d’une façon saisissante l’entêtement d’une personne, l’on dit : « elle a une tête d’Acadien », et c’est la même chose que de dire « tête de Breton ». La fermeté est une belle qualité, mais l’entêtement est un défaut, et nous n’hésitons pas à affirmer que ce défaut est commun à tous les Acadiens. Parkman a eu assez peu de psychologie pour ne pas le voir. Il spéculait tellement à tort et à travers, au gré de sa fantaisie, qu’il a mis à côté, et qu’il a voulu que nos pères fussent tout le contraire de ce que la nature les avait faits. Et voilà ce que l’on gagne à traiter l’histoire comme un art d’imagination !

Les efforts tentés par les Français pour porter les Acadiens à violer leur serment de fidélité méritent, selon nous, une sévère condamnation ; et ces efforts durèrent depuis le commencement de cette guerre jusqu’à la prise de Beauséjour par les Anglais. Si les Acadiens eussent prêté leur concours à leurs anciens maîtres, Annapolis fût sans doute tombée aux mains de ses premiers possesseurs. Mais la conquête définitive de l’Acadie ne s’en fût pas nécessairement suivie. Et quand même ce fait l’eût assurée, nous croyons que l’honneur n’en imposait pas moins aux Français l’obligation de ne rien faire pour détourner les Acadiens de leurs devoirs, et les exposer ainsi aux plus dures représailles. Leur sort, jusque-là, avait été aussi doux qu’il était permis de l’espérer d’une administration militaire, et dans un temps où les préjugés de race ou de religion régnaient dans toute leur intensité. Pendant tout un siècle, la