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laquelle il m’informe que, dans des lettres adressées à Votre Grâce, il a émis « l’opinion que, selon lui, il sera nécessaire de chasser tous les français (je suppose qu’il veut dire tous les habitants) hors de l’Acadie, le printemps prochain, et il espère recevoir des ordres lui enjoignant d’aider à cette expulsion. »

« Votre Grâce a pu se convaincre déjà que ma manière de voir sur ce point est un peu différente de celle de M. Knowles. Il me semble difficile de procéder à l’expulsion de tous les habitants de l’Acadie, car cette province est d’une étendue considérable et en grande partie boisée. Il est à peu près certain, en ce cas, que les plus hardis d’entre eux se cacheraient dans les forêts avec leurs bestiaux, (au moins pendant quelque temps), et organiseraient des expéditions, de concours avec les Indiens ; les autres se retireraient indubitablement en Canada avec leurs familles. Or, parmi les nombreux inconvénients qui résulteraient de là, pour l’avenir de la Nouvelle-Écosse, que l’on veuille bien calculer quel apport ajouterait à l’influence de la France en ce continent l’arrivée au Canada, avec leurs familles, de 6,000 hommes en état de porter les armes… Certes, il est regrettable que, dès la cession de cette colonie à la Grande Bretagne, le général Nicholson n’en ait pas alors chassé tous les habitants français, qui étaient peu nombreux ; c’est également une erreur que de n’avoir pas profité des intervalles de paix pour y implanter des sujets protestants. Mais maintenant que ces colons se sont enracinés dans la Province depuis longtemps, comme sujets anglais, bénéficiant des clauses du traité d’Utrecht, améliorant leurs terres au cours de deux ou trois générations, et s’étant multipliés en un grand nombre de familles, — prétendre les chasser de leurs propriétés sans autre forme de procès, —