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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/40

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de relief avec le recul des siècles. L’effort même qu’on a fait pour effacer tout vestige de cet événement, en supprimant les documents et les mémoires où son empreinte était gravée, contribuera plus que tout le reste à en perpétuer le souvenir. Là où l’historien ne peut pénétrer, entre le poète avec ses admirables facultés d’intuition et de divination. Ces chapitres tronqués ou perdus de l’histoire des nations deviennent alors le domaine mystérieux où celui-ci, glanant les rares épis échappés à la destruction, empruntant le reste à son propre génie, compose ces chants attendris qui lui vaudront l’immortalité[1]. Et quelle riche moisson

  1. L’Acadie attend toujours son « poète national » qui chantera en belles strophes l’épopée douloureuse des ancêtres. C’est un poète américain qui a eu le premier l’honneur d’exploiter l’excellente matière d’art que renferme ce fait de la déportation d’un petit peuple. Et c’est évidemment à l’Évangéline de Longfellow que Richard fait ici allusion. Sur l’origine, les sources, le caractère de ce poème, il faut consulter l’ouvrage si documenté de M. Paul Morin, intitulé : Les Sources de l’œuvre de Henry Wadsworth Longfellow (Paris, Émile Larose, Libr.-Éditeur, 11, rue Victor Cousin, 1913) de la page 133 à la page 154. Nous empruntons à ce beau travail les notes suivantes : Dans American Note-Books (Boston, 1868, I, 203) N. Hawthorne dit qu’un « Canadien-français a raconté cette histoire d’un jeune couple acadien à H. L. Conolly. Le jour du mariage de ces jeunes gens, tous les hommes de la province reçurent l’ordre de se réunir à l’église pour entendre lecture d’une proclamation. À peine assemblés, on les fit prisonniers, et des navires les amenèrent dans la Nouvelle Angleterre où on les dissémina. Parmi eux se trouva le jeune époux ; sa femme, partie à sa recherche, erra dans le pays pendant toute sa vie, et, déjà vieille, le retrouva enfin, mais sur son lit de mort. Sa douleur fut si profonde qu’elle le suivit bientôt dans la tombe. » Hawthorne et Conolly, dînant un soir chez Longfellow, firent ce récit au poète, qui en tira Évangéline. M. Paul Morin dresse ensuite la nomenclature des sources certaines et des sources possibles de ce poème, et il conclut : Haliburton, avec son ouvrage « An Historical and Statistical account of Nova Scotia », Halifax, 1829, 2 vols., — fut la source principale de la première partie (I, 665), William Darby, avec son ouvrage A geographical description of the state of Louisiana, Philadelphia, 1816, — de la seconde (666-fin.) Puis vient l’analyse détaillée du poème, selon l’ordre des vers : l’on nous montre tout ce que Longfellow doit aux auteurs cités précédemment, au point de vue de l’histoire, de la légende,