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n’ont pas quitté, c’est leur faute. Richard accable le misérable faussaire au moyen des pièces que celui-ci a nécessairement eues sous les yeux ; il démasque la mauvaise foi d’Akins. On ne saurait rien ajouter à la force de sa démonstration. Haliburton, avec la sagacité d’un vieux magistrat, comme parle Rameau, avait déjà émis des doutes sur l’intégrité des Archives de la N.-É. — L’auteur d’Acadie montre clairement combien ces soupçons étaient fondés.

Le Traité de 1713 avait spécifié un délai d’un an pendant lequel les Acadiens auraient la liberté de quitter le pays. Qui le croirait ? Voilà qu’on prétend maintenant que la condition n’a pas été remplie, que le délai étant écoulé on ne peut plus partir.

Deux ans seulement ont passé depuis la cession du pays à l’Angleterre. En 1715, le gouverneur Caulfield a succédé à Vetch. Ordre aussitôt est donné à ses officiers de proclamer l’avènement du roi George, et de faire prêter serment d’allégeance aux Acadiens, dans la forme prescrite. Les habitants des Mines s’excusent en disant qu’ils veulent laisser le pays, et qu’ils se sont engagés à cela envers le gouverneur de Louisbourg. Leur réponse, motivée, existe à Londres, dans les documents coloniaux de la Nouvelle-Écosse, non dans le volume des archives. L’ordre de faire prêter le serment seul s’y trouve, et par suite du fait que la réponse n’y paraît pas, les Acadiens des Mines sont censés avoir refusé sans motif la prestation du serment d’allégeance au Souverain. C’est donc de prime abord un acte de désobéissance à l’autorité. On ne manquera pas de l’invoquer contre eux.

En 1717, un nouveau gouverneur, Doucette, à son tour, cherche à imposer le serment. Jusqu’ici, les Acadiens, déterminés à s’en aller, ont refusé d’en prêter un d’aucune sorte. Devant les obstacles qu’on oppose à leur départ, et fatigués des entraves qu’on leur suscite, ils consentent à la prestation d’un serment conditionnel. Ils prêtent serment d’allégeance à l’autorité souveraine, mais à condition que leurs droits civils et religieux soient sauvegardés, à condition qu’ils soient exemptés de porter les armes contre les Français, leurs frères, et les Indiens, leurs alliés. Qui pourrait contester la légitimité de ces réserves ? Ne voyons-nous pas, plus tard, en 1775, ainsi que le fait observer Richard, l’Angleterre accorder volontiers pareille demande aux Loyalistes passés en Acadie ou au Canada ?

Sur cette question de serment qui devait tant agiter les esprits, Richard constate l’omission des documents les plus importants dans les archives de la Nouvelle-Écosse. Mais on y tenait au serment ! Sans le Traité d’Utrecht et les conditions particulières dans lesquelles se trouvait le peuple acadien, nul doute que l’attitude de ce dernier n’eût été normale vis-à-vis du pouvoir. Le sujet doit obéissance absolue au souverain. L’on prétendait que le refus de prêter serment purement et simplement autorisait la confiscation des biens. Mais, alors, pourquoi s’opposer au départ des rebelles ? Oh ! c’est qu’il y avait pour le moment — du moins pour le moment — de sérieux motifs d’empêcher pareil exode. Nous sommes en 1720, et jusqu’en 1740 il n’y aura pas une demi-douzaine de colons anglais dans la Nouvelle-Écosse. On ne voit que le personnel de l’administration et de la garde des forts ; qui cultivera les terres ? Si les Acadiens passent