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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/58

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tion à peu près contraire. L’on fondait des colonies avec enthousiasme, pour les abandonner à elles-mêmes quelques années après. Il en fut ainsi pour l’Acadie entr’autres. L’on y implanta une centaine de familles qui eurent bientôt à subir, sans recevoir de la mère-patrie les secours auxquels elles avaient droit, des luttes héroïques contre un ennemi beaucoup plus fort[1]. Lorsque cette poignée de colons fut devenue un petit peuple heureux et prospère, lorsque l’on vit quel prix l’Angleterre mettait à sa conservation, on se reprit à convoiter ce que l’on avait négligé ou laissé perdre. Au lieu de fonder des colonies avec des colons, l’on y élevait des forteresses coûteuses en s’imaginant que c’était en cela surtout que consistait la colonisation. Un seul des trente millions dépensés sur le rocher de Louisbourg eut suffi à peupler l’Acadie de manière à en assurer à la France la possession définitive. Pendant que le Canada, avec ses soixante mille âmes, tenait en échec les douze cents mille de la Nouvelle Angleterre, la France, livrée aux courtisans, s’amusait. Voltaire, qui présidait la cour des beaux esprits,

  1. Sur la fondation et les origines de l’Acadie, cf. Histoire et Description générale de la Nouvelle-France, par le P. de Charlevoix, de la compagnie de Jésus. Tome Ier, Livre III. (À Paris, chez Didot, Libraire, quai des Augustins, À la Bible d’or, MDCCXLIV). — Histoire du Canada, par F.-X. Garneau. Tome I, liv. I, c. I, (Paris, librairie Félix Aican, 1913). — Histoire de France, par Ernest Lavisse. Tome VI, 2e partie, par J. H. Mariéjol, livre 1er c. IV, p. 82 et Seq : « À la mort d’Henri IV, deux établissements durables avaient été fondés : Port-Royal et Québec. À toutes ces tentatives, le gouvernement n’avait accordé qu’un appui moral. Des particuliers avaient fait tout l’effort à leurs dépens et à leurs risques. Cependant, la politique coloniale n’était pas populaire. Sully, sur cette question comme sur celle des industries de luxe, représentait la moyenne d’idées de son temps… En toutes ces entreprises d’outremer, le gouvernement n’est guère intervenu. Il a protégé la colonisation d’une façon aussi peu onéreuse que le commerce, l’industrie. On sait que Sully tient la caisse et favorise au plus bas prix possible. Il est hostile à tout ce qui coûte, aux œuvres de magnificence, aux aventures… »