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sacrifices pour le garder. Inutiles regrets ! Depuis longtemps, l’Angleterre s’est appropriée toutes les terres désirables de notre planète. Sa langue, ses institutions, ses capitaux couvrent tous les points du globe. Elle s’est constituée le plus magnifique empire colonial que le monde ait vu. Pendant que la France s’occupait de folies, l’Angleterre travaillait activement à accroître ses possessions : cela valait bien le mot d’esprit qui fit rire un jour et qui eut été oublié le lendemain si la France n’avait encore à en déplorer le néfaste succès.

Pauvre France ! Pour garder ton sceptre en mains fermes, tu avais inventé la loi salique. Tu ne voulais pas être gouvernée par des reines, et tu l’as été par des courtisanes. Tu étais riche et honorée : les maîtresses royales ont gaspillé tes écus et ton honneur. Tes beaux esprits ont fait rire, mais à tes dépens. Il te reste aujourd’hui le privilège de faire sécher ton poisson sur un petit coin de ce continent qui t’appartenait ou pouvait t’appartenir en entier. Tu t’es faite plus sage, tu as reconnu tes erreurs, pleuré tes légèretés ; tu as vu que l’Angleterre était devenue riche et puissante pour avoir su apprécier ce que tu avais méprisé. Il est trop tard ! Quelques arpents de sable dans le Sahara, où tes enfants ne peuvent habiter ; quelques milliers de nègres dans le Sénégal, le Dahomey ou le Congo, ne compenseront jamais pour toi la perte de ces cœurs français qui eussent surgi en nombre des vastes et salubres plaines de ce beau continent. Ô France ! pardonne à un fils des malheureux Acadiens d’invoquer ces souvenirs cruels… Nous avons tant souffert[1] !

  1. Ce passage éloquent appelle des rectifications. Nous établirons en temps et lieu l’exacte responsabilité de la France dans les événements qui ont amené