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bilité de sortir encore une fois victorieux d’une lutte où tout était conjuré contre lui, Subercase résolut cependant de tenter la fortune ; et sans vouloir entendre les propositions du général Nicholson, commandant de la flotte, il se mit en devoir de résister à l’ennemi. De leur côté, les Anglais que les échecs inattendus et répétés des années précédentes avaient rendus circonspects, ne procédèrent qu’avec une extrême prudence. Ils furent repoussés plusieurs fois ou durent se désister de leurs travaux d’investissement. Mais Subercase n’avait plus à sa disposition, comme autrefois, de corps de troupe qui lui permit de manœuvrer à l’extérieur des fortifications et d’aller harceler les assaillants dans leurs propres quartiers. La flotte avait paru devant Port-Royal le 24 septembre, et ce ne fut que le 12 octobre que fut signée la capitulation, à des conditions si honorables que Nicholson exprima son regret de les avoir accordées quand il se fut rendu compte du dénûment dans lequel se trouvait la garnison. Au manque de munitions de guerre s’était ajoutée une disette si grande que Nicholson eut à fournir des rations aux soldats français jusqu’à leur embarquement pour la France.

Port-Royal était donc devenu, et cette fois définitivement, possession anglaise : l’Acadie tout entière allait bientôt subir la même destinée. En un siècle, Port-Royal avait connu plus de vicissitudes qu’aucune autre ville d’Amérique : il avait été pris, pillé, détruit, abandonné, repris, sans que jamais la France eut songé à faire de sérieux sacrifices pour le garder : il semble que la mère-patrie ait ignoré l’importance de ce point stratégique, que les leçons de l’expérience soient demeurées pour elle infructueuses, qu’elle ne se soit pas émue du sort injuste et cruel auquel de fidèles sujets étaient abandonnés.