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Page:Richard - Le véritable conducteur aux Cimetières du Père La Chaise, Montmartre, Mont-Parnasse et Vaugirard.djvu/209

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On est au faite des honneurs, au pinacle de la fortune ; on regarde avec un superbe dédain les mirmidons qui se heurtent contre la base du trône où l’on est assis : tout à coup le pied glisse, l’équilibre manque, et l’on roule dans l’abîme ; et les mirmidons qui, la veille se prosternaient devant vous, loin de vous tendre la main pour vous empêcher d’y tomber, vous y poussent de toutes leurs forces… Tels sont les hommes ! valent-ils la peine que l’on s’occupe d’eux ? Nous ne le croyons pas : et vous, chers lecteurs, qu’en dites-vous ?


LIIe DIVISION.


Une simple croix de bois fort petite est destinée à marquer dans ce vaste cimetière la place exiguë qu’y occupe Louis-Antoine Royer, décédé le 10 mai 1823 à l’âge de 49 ans. À cette croix est suspendu un petit tableau qui renferme une pièce d’écriture dans le genre de celle que nous avons signalée, première division (Mlle Rose Roullier) ; cette pièce de vers nous a paru digne de prendre place ici parmi les plus spirituelles que nous ayons déjà citées. Elle est empreinte d’un cachet de vieux style qui nous fait penser qu’elle n’a point été faite pour M. Royer, et qu’on a voulu seulement lui en faire l’application. Quoiqu’il en soit de la réalité ou de la fausseté de nos conjectures, voici la pièce de vers, dont il est question :

Le temps de mes instans a demandé le compte,
Et moi j’ai répondu, le compte veut du temps ;
Car, qui sans rendre compte a perdu tant de temps,
Comment peut-il, sans temps, rendre un aussi, grand compte ?
Le temps a demandé de différer le compte,
En disant que mon compte a refusé le temps ;
Et que n’ayant pas fait le compte dans le temps,
Je veux en vain du temps pour rendre un si grand compte.
Ah ! Dieu ! quel compte peut nombrer un si grand temps ?
Et quel temps peut suffire à faire un si grand compte ?
Vivant sans rendre compte, ai négligé le temps.