Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/127

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que vous fîtes à mon père même, lorsqu’il vous proposa Miss Doily. Elle n’est pas de mon goût ;

tels furent vos termes ; et l’on eut la bonté de n’y plus penser. " croyez-vous que j’ignore à qui je dois attribuer mes disgrâces, lorsque je me rappelle avec quelle indulgence mon père m’a permis de rejeter d’autres offres ; et qui je dois accuser d’avoir formé une ligue en faveur d’un homme dont la personne et le caractère souffrent bien plus d’objections qu’aucun de ceux qu’on m’a permis de refuser ? " je n’entreprends point de comparer les deux sujets. Et qui oserait dire en effet qu’il y ait la moindre comparaison ? La différence, au désavantage de l’un, ne consiste que dans un point, qui est, à la vérité, de la plus grande importance : mais pour qui ? Pour moi-même assurément, si j’étais disposée à le favoriser ; et moins pour vous que pour tout autre. Cependant, si vous ne parvenez pas, par votre étrange politique, à réunir cet homme et moi, comme des parties qui souffrent pour la même cause, vous me trouverez aussi déterminée à renoncer à lui, que je le suis à refuser l’autre. J’ai fait l’ouverture de cette proposition. Ne me confirmez pas dans l’opinion que les difficultés viennent de vous. " il est bien triste pour moi de pouvoir dire que, sans avoir à me reprocher de vous avoir jamais offensé, j’ai un frère en vous, mais que je n’y ai point un ami. " peut-être ne daignerez vous pas entrer dans les raisons de votre dernière conduite avec une foible petite sœur. Mais si vous ne devez point de politesse à cette qualité, non plus qu’à mon sexe, rien ne peut vous dispenser de la justice. " accordez-moi la liberté d’observer aussi que le principal but de l’éducation qu’on donne aux jeunes gens dans nos universités, est de leur apprendre à raisonner juste et à se rendre maîtres de leurs passions. J’espère encore, mon frère, que vous ne donnerez pas lieu à ceux qui nous connaissent tous deux, de conclure que l’une a fait plus de progrès, à sa toilette, dans la seconde de ces deux doctrines, que l’autre à l’université. Je suis véritablement affligée d’avoir sujet de le dire ; mais j’ai entendu remarquer plusieurs fois que vos passions indomptées ne font pas d’honneur à votre éducation. " je me flatte, monsieur, que vous ne vous offenserez pas de la liberté que j’ai prise avec vous. Vous ne m’en avez donné que trop de raison ; et vous en avez pris sans raison, de bien plus étranges avec moi. Si vous vous trouvez offensé, faites moins d’attention à l’effet qu’à la cause. Alors, pour peu que vous vous examiniez vous-même, la cause ne manquera pas de cesser, et l’on pourra dire avec justice qu’il n’y aura point de gentilhomme plus accompli que mon frère. " c’est, je vous assure, monsieur, dans les véritables sentimens d’une sœur, malgré la dureté avec laquelle vous me traitez, et nullement par présomption, comme vous avez paru trop prompt à m’en accuser, que je me hasarde à vous donner ce conseil. Je demande au ciel de faire renaître l’amitié dans le cœur de mon frère unique. Faites-moi retrouver en vous, je vous en conjure, un ami compatissant ? Car je suis et je serai toujours votre affectionnée sœur, Cl Harlove.