Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/166

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que, cherchant à me plaire, il fût venu dans le dessein de braver toute ma famille,) voilà, ma chère, un exemple de la force de la haine, qui peint tout sous de fausses couleurs. Cependant, à moins que Chorey n’ait voulu faire officieusement sa cour à ses maîtres, pourquoi m’aurait-elle fait un récit à son désavantage ? Il en appelle au docteur Lewin pour sa justification : mais hélas ! Je suis privée du plaisir de voir cet honnête homme, et tous ceux de qui je pourrais recevoir un bon conseil dans ma triste situation. Après tout, ma chère, je m’imagine qu’il y aurait peu de coupables au monde, si tous ceux qu’on accuse ou qu’on soupçonne, avoient la liberté de raconter leur histoire, et devaient être crus sur leur propre témoignage. Vous ne vous plaindrez pas que cette lettre soit trop courte. Mais il serait impossible, autrement, d’être aussi exacte que vous le désirez sur tous les détails d’une conversation. Vous aurez la bonté, ma chère, de vous souvenir que la date de votre dernière est le 9.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

dimanche, 19 mars. Je vous demande pardon, ma très-chère amie, de vous avoir donné sujet de me rappeler la date de ma dernière lettre. Je voulais rassembler sous mes yeux autant de mémoires qu’il est possible, sur les opérations de vos sages parens, dans l’idée que vous ne seriez pas long-temps sans vous rendre, d’un côté ou de l’autre, et que j’aurais alors quelque degré de certitude sur lequel je pusse fonder mes observations. Au fond, que puis-je vous écrire, dont je n’aie déjà fait le sujet de plusieurs lettres ? Vous savez que tout ce que je puis faire est de m’emporter contre vos stupides persécuteurs, et ce style n’est pas de votre goût. Je vous ai conseillé de reprendre votre terre : vous rejetez cet avis. Vous ne pouviez soutenir la pensée d’être à Solmes ; et Lovelace a résolu que vous serez à lui, quelque obstacle qu’on s’efforce d’y apporter. Je suis persuadée que vous ne sauriez éviter d’être à l’un ou à l’autre. Voyons quelles seront leurs premières démarches. à l’égard de Lovelace, lorsqu’il raconte sa propre histoire, qui oserait dire qu’après s’être conduit avec tant de modestie dans le bûcher, et n’avoir porté que de si bonnes intentions à l’église, il y ait le moindre reproche à lui faire ? Méchantes gens ! De se liguer contre l’innocence même ! Mais attendons, comme j’ai dit, leurs premières démarches, et le parti pour lequel vous vous déterminerez. Mes réflexions alors seront mesurées à mes lumières. à l’égard du changement de votre style, dans vos lettres à vos oncles, à votre frère et à votre sœur, puisqu’ils ont pris tant de plaisir à vous attribuer de la prévention pour Lovelace, et que tous vos désaveux n’ont servi qu’à fortifier les argumens qu’ils en ont tirés contre vous, je trouve que vous avez fort bien fait de les abandonner à leurs soupçons, et d’essayer ce que vous pourrez tirer d’eux par cette voie. Mais si… mais si… de grâce, ma chère, un peu d’indulgence. Vous avez cru vous devoir à vous même une apologie pour votre changement de style ; et jusqu’à ce que vous m’ayez parlé nettement, comme une amie, il faut que je vous tourmente un peu. Voyons ; car je ne puis retenir ma plume.