Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/173

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telle que la mienne, pour exciter la pitié par des aventures extraordinaires. Je suis d’un âge et d’un tour d’esprit, a dit l’insolent, qui peut fort bien me faire trouver des charmes dans une mélancolie d’amour. Il répond bien que ma tristesse, qu’elle faisait valoir en ma faveur, ne sera jamais mortelle pour moi, mais il n’ose promettre qu’elle ne le sera pas pour la plus tendre et la plus indulgente de toutes les mères. Enfin, il a déclaré à Madame Norton qu’elle pouvait retourner encore une fois à ma chambre, mais que, si le succès ne répondait pas mieux à l’opinion qu’ils ont eue d’elle, ils la soupçonneraient de s’être laissé corrompre par l’homme qu’ils détestent tous. à la vérité, tous les autres ont blâmé cette indigne réflexion, qui a pénétré la bonne femme jusqu’au fond du cœur ; mais il n’en a pas moins ajouté, sans être contredit de personne, que, si elle ne pouvait rien obtenir de son doux enfant , nom apparemment qu’elle m’a donné dans le mouvement de sa tendresse, elle pouvait se retirer, ne pas revenir sans être rappelée, et laisser son doux enfant à la disposition de son père. Réellement, ma chère, il n’y a jamais eu de frère aussi insolent et aussi dur que le mien. Comment se fait-il qu’on exige de moi tant de résignation, tandis qu’on lui permet de traiter avec cette arrogance une si honnête femme et d’un caractère si sensé ? Cependant elle lui a répondu que toutes ses railleries sur la douceur de mon naturel, n’empêchaient pas qu’il ne fût vrai, comme elle pouvait l’en assurer, qu’il y avait peu d’esprits aussi doux que le mien ; et qu’elle avait toujours observé que, par les bonnes voies, on pouvait tout obtenir de moi, dans les choses mêmes qui étoient contraires à mon opinion. Ma tante Hervey a dit, là-dessus, que le sentiment d’une femme si raisonnable lui paroissait mériter quelque réflexion ; et qu’elle avait quelquefois douté elle-même si l’on n’aurait pas mieux fait de commencer par les méthodes qui font ordinairement plus d’impression sur les caractères généreux. Elle s’est attiré un reproche de mon frère et de ma sœur, qui l’ont renvoyée à ma mère, pour savoir d’elle-même si elle ne m’avait pas traitée avec une indulgence sans exemple. Ma mère a répondu, qu’elle croyait avoir poussé l’indulgence assez loin ; mais qu’il fallait convenir, comme elle l’avait représenté plusieurs fois, que l’accueil qu’on m’avait fait à mon retour, et la manière dont M Solmes m’avait été proposé, n’étoient pas les moyens par lesquels on aurait dû commencer. On lui a fermé la bouche : vous devinez qui, chère Miss Howe. Ma chère, ma chère, vous avez toujours quelque objection à faire, quelque excuse à donner en faveur d’une fille rebelle ! Souvenez-vous de la manière dont elle nous a traités, vous et moi. Souvenez-vous que le misérable que nous haïssons avec tant de justice, n’aurait jamais la hardiesse de persister dans ses vues, si l’obstination de cette perverse créature n’était un encouragement pour lui. Madame Norton, (en s’adressant à elle avec colère) remontez encore une fois ; et si vous croyez devoir espérer quelque chose de la douceur, vous avez permission de l’employer ; mais si vous n’en tirez aucun fruit, qu’il n’en soit plus question. Oui, ma bonne Norton, lui a dit ma mère, employez ce que vous connaissez de plus fort sur son esprit. Si vous avez le bonheur de réussir, nous monterons, ma sœur Hervey et moi, nous l’aménerons, entre nos