Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/285

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quoiqu’on ne puisse pas dire de lui qu’il soit du caractère opposé. Sa politesse est celle d’un homme qui, par un défaut d’attention sur lui-même, fondé sur une indulgence excessive dans ses premiers ans, et peut-être sur trop de succès dans un âge plus avancé, a contracté une sorte de présomption que l’habitude a changée en arrogance, et qui n’est guère compatible avec une certaine délicatesse. La distance où vous êtes d’avis qu’il faut toujours tenir ce sexe, est une maxime fort juste. La familiarité détruit le respect : mais avec qui ? Comptez, ma chère, que ce n’est pas avec un homme prudent, généreux et capable de reconnaissance. Je conviens qu’en voulant éviter un excès, il est difficile de ne pas tomber dans un autre. Delà vient, peut être, que M Lovelace regarde comme la marque d’une grande ame, de donner plus à son orgueil qu’à sa délicatesse. Mais est-ce un homme profond qui ne sait pas faire des distinctions de cette nature, tandis qu’avec des qualités médiocres elles n’échappent point au commun des hommes ? Il se plaint amérement " de ma facilité à m’offenser, et à le congédier pour jamais. Je lui pardonnerai, me dit-il, s’il ose me représenter que cette conduite est d’une hauteur extrême, et qu’elle est fort éloignée de pouvoir contribuer à diminuer ses craintes sur l’effet des persécutions de mes proches en faveur de M Solmes. " vous verrez qu’il fait dépendre de moi toutes ses espérances de bonheur pour ce monde et pour l’autre. Ses vœux et ses promesses sont d’une ardeur qu’il me semble que le cœur seul peut dicter. Quelle autre marque aurait-on jamais pour juger du cœur des hommes ? Vous verrez aussi qu’il est déjà informé de l’entrevue que j’ai promise à M Solmes, et dans quels termes sa douleur s’exprime. Mon dessein est de lui expliquer ce que je pense des viles méthodes qu’il emploie pour être sitôt instruit de ce qui se passe dans notre famille. Si les cœurs honnêtes ne s’élèvent pas contre les actions qui blessent l’honnêteté, qui prendra soin de les réprimer, du moins par la honte ? Vous verrez avec quelles instances passionnées il me demande " au moins quelques lignes, avant le jour de mon entrevue avec Solmes, pour le soutenir dans l’espérance que ce n’est pas mon ressentiment qui me dispose à bien traiter un odieux rival. Je dois lui pardonner, dit-il, de revenir tant de fois à cette crainte ; sur-tout si je considère que la même faveur lui a été refusée, et que mes proches ne l’auraient pas désirée avec tant d’ardeur, s’ils ne s’en promettaient pas beaucoup de fruit. " samedi, premier d’avril. Ma réponse est partie. Je lui marque naturellement " que j’étais dans la résolution de n’écrire jamais un mot de plus, à un homme capable de s’emporter contre tout mon sexe et contre moi, parce que j’ai cru à propos de faire usage de mon jugement. " que si je me suis soumise à cette entrevue avec M Solmes, c’est par un simple mouvement d’obéissance, pour faire connaître à mes amis que je suis disposée à la soumission dans tout ce qui ne surpasse pas mes forces ; et que je ne suis pas sans espérance de voir abandonner son entreprise à M Solmes, lorsqu’il aura reconnu combien je suis déterminée à le rejeter. " que mon aversion pour lui est trop sincère, pour me laisser, dans