Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/354

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secrétement, et de m’y procurer un logement commode, où je serai reçue par ses deux cousines Montaigu , qui ne me quitteront pas un moment, jusqu’à ce que les affaires soient ajustées à mon gré, et que la réconciliation soit heureusement terminée. Toutes les insultes qu’il a reçues de ma famille, ne l’empêcheront pas d’y contribuer de toutes ses forces. " il propose cette variété de mesures à mon choix, parce qu’étant si pressé par le tems, il n’y a pas d’apparence qu’il puisse recevoir assez tôt une lettre d’invitation de la propre main de Miladi Lawrance ; à moins que lui-même il ne prenne la poste pour se rendre chez elle avec la dernière diligence : mais dans une conjoncture si délicate, où il ne peut se reposer sur personne de l’exécution de mes ordres, il est impossible qu’il s’éloigne. " il me conjure, du ton le plus solemnel, si je ne veux pas le jeter dans l’excès du désespoir, d’être ferme dans ma résolution. " cependant, loin de menacer ma famille ou Solmes, si je change de dessein, il est persuadé, m’assure-t-il respectueusement, que ce changement ne peut arriver que par des raisons dont la justice l’obligera d’être satisfait ; telles, espère-t-il, qu’une parfaite certitude de me voir libre dans mes inclinations. Alors il prendra le parti d’une soumission absolue ; et tous ses efforts se tourneront à mériter mon estime et celle de ma famille, par la régularité de sa conduite. " en un mot, il proteste solemnellement que son unique vue, dans les circonstances présentes, est de me délivrer de ma prison, et de me rendre la liberté de suivre mon penchant, dans un point qui intéresse essentiellement le bonheur de ma vie. Il ajoute que l’espérance même dont il se flatte, de m’appartenir quelque jour par des nœuds sacrés, son propre honneur et celui de sa famille, ne lui permettent pas de me faire la moindre proposition qui ne s’accorde avec mes plus scrupuleuses maximes ; que, pour la tranquillité de mon esprit, il serait à désirer, pour lui, de pouvoir obtenir ma main dans des conjonctures plus heureuses, où je n’eusse rien à redouter de la violence de mes amis ; mais qu’avec un peu de connaissance du monde, il est impossible de s’imaginer que leur conduite n’ait pas attiré sur eux les censures qu’elle mérite ; et que la démarche, dont je me fais un si grand scrupule, ne soit généralement attendue, comme la suite juste et naturelle du traitement qu’ils me font essuyer ". Je crains qu’il n’y ait que trop de vérité dans cette remarque ; et que, si M Lovelace n’ajoute pas tout ce qu’il pourrait dire là-dessus, je n’en aie l’obligation à sa politesse. Je ne doute nullement que je ne sois devenue le sujet de tous les entretiens dans la moitié de la province, et que mon nom n’y passe peut-être en proverbe. Si j’ai ce malheur, je tremble d’en être au point de ne pouvoir rien faire qui me déshonore plus que je ne le suis déjà par une indiscrète persécution. Que je tombe au pouvoir de Solmes ou de Lovelace, ou de tout autre mari, je ne me laverai jamais de ma captivité et du rigoureux traitement dont une famille entière m’a comme imprimé le sceau ; du moins, ma chère, dans ma propre imagination. Si j’appartiens quelque jour à l’éminente famille qui paraît n’être pas encore sans quelque estime pour moi, je souhaite qu’il ne s’y trouve personne qui prenne occasion de ma disgrâce pour me regarder d’un