Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/450

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et si les vôtres avoient refusé de me voir et de m’entendre, je serais allé directement chez Solmes avec le même cortége ". Qu’auriez-vous donc fait à M Solmes ? " pas le moindre mal, s’il nous eût reçus de bonne grâce ". Mais enfin, s’il ne vous eût pas reçus de bonne grâce, comme vous l’entendez, que lui auriez-vous fait ? Cette question a paru l’embarrasser. Pas le moindre mal dans sa personne, m’a-t-il répété. Je l’ai pressé de s’expliquer mieux : " si je lui permettais de le dire, il s’était proposé seulement d’enlever ce pauvre misérable, et de le tenir enfermé l’espace d’un ou deux mois. C’était une entreprise dont l’exécution était jurée, quelles qu’en pussent être les suites ". A-t-on jamais rien entendu de si horrible ? J’ai poussé un profond soupir, et je lui ai dit de reprendre à l’endrait où je l’avais interrompu. " j’avais ordonné à Léman de se tenir à peu de distance de la porte ; et, s’il entendait quelque dispute entre nous, ou s’il voyait paroître quelqu’un dont l’arrivée pût nous troubler, de pousser les cris que vous avez entendus ; et cela, dans la double vue de le mettre à couvert des soupçons de votre famille, et d’être averti qu’il était temps pour moi de vous engager, s’il était possible, à partir, suivant votre promesse. J’espère, mademoiselle, que, si vous considérez toutes les circonstances, et le danger où j’étais de vous perdre sans retour, l’aveu que je vous fais de cette invention, et de celle qui regarde Solmes, ne m’attirera point votre haine. Supposez que vos parens fussent arrivés, comme nous pouvions nous y attendre tous deux ; n’aurais-je pas été le plus méprisable de tous les hommes, si je vous avais abandonnée aux insultes d’un frère et de toute une famille, qui vous ont traitée si cruellement sans avoir le pretexe que notre entrevue leur aurait fourni " ? Que d’horreurs ! Me suis-je écriée. Mais, monsieur, en prenant tout ce que vous me dites pour autant de vérités, s’il est venu quelqu’un, pourquoi n’ai-je vu que Léman à la porte ? Pourquoi nous a-t-il suivis seul, et à tant de distance ? Il est fort heureux pour moi, m’a-t-il répondu, en mettant la main dans une de ses poches, et puis dans une autre… j’espère que je ne l’ai pas jetée… elle est peut-être dans l’habit que je portais hier. Je pensais peu qu’il serait nécessaire de la produire… mais je suis bien-aise d’en venir à la démonstration, quand l’occasion s’en présente… je puis être un étourdi… je puis être un négligent… et je suis en vérité l’un et l’autre. Mais, par rapport à vous, mademoiselle, jamais un cœur ne fut plus sincère. Il s’est levé là-dessus ; et s’avançant vers la porte, il s’est fait apporter le dernier habit qu’il avait quitté. Il en a tiré une lettre chiffonnée, comme un papier dont il avait tenu peu de compte : la voici, m’a-t-il dit, en revenant à moi d’un air joyeux. Elle est datée, lundi au soir, et de la main de Joseph Léman : " qui lui demandait pardon d’avoir crié trop tôt. La crainte d’être soupçonné lui avait fait prendre le bruit d’un petit chien, qui le suit toujours, et qui avait traversé la charmille, pour le mouvement de quelqu’un de ses maîtres. Lorsqu’il s’était aperçu de son erreur, il avait ouvert la porte avec sa propre clé ; et sortant avec précipitation, il avait voulu lui apprendre