Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/473

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ses deux cousines fût disposée à m’honorer de sa compagnie ; et que d’ailleurs ce serait la même chose, aux yeux du monde, que s’il m’accompagnait lui-même. Cette réponse a produit une autre conversation, qui fera le sujet de ma première lettre.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

Monsieur Lovelace m’a dit que, dans l’incertitude de ma résolution sur le voyage d’Italie, il s’était efforcé d’imaginer quelqu’autre ouverture, qui fût capable de me plaire, et de me convaincre du moins qu’il préférait ma satisfaction à la sienne. Alors il s’est offert à partir lui-même, pour chercher Hannah, et me l’amener immédiatement. Comme j’ai refusé les deux jeunes Sorlings, il souhaiterait ardemment, dit-il, de voir près de moi une servante à laquelle je pusse accorder ma confiance. Je lui ai répondu que vous auriez la bonté de faire chercher Hannah, et de me l’envoyer aussi-tôt qu’il serait possible. Il pouvait arriver, m’a-t-il dit, qu’elle fût arrêtée par quelqu’obstacle. Feroit-il si mal de se rendre chez Miss Howe, pour la prier, dans l’intervalle, de me prêter sa femme-de-chambre ? Je lui ai fait entendre que le mécontentement de votre mère, depuis la démarche dans laquelle tout le monde suppose que je me suis engagée volontairement, m’a privée de tous les secours ouverts que je pouvais attendre de votre amitié. Il a paru surpris que Madame Howe, qui parlait de moi avec tant d’admiration, et sur laquelle on supposait tant d’influence à sa fille, pût s’être refroidie pour mes intérêts. Il souhaitait que le même homme qui s’était donné tant de peines pour enflammer les passions de mon père et de mes oncles, ne fût pas encore au fond de cet odieux mystère. Je craignais en effet, lui ai-je dit, que ce ne fût l’ouvrage de mon frère. Mon oncle Antonin, j’osais le dire, ne se serait pas porté de lui-même à prévenir Madame Howe contre moi, comme j’apprenais qu’il l’avait fait. Puisque mon dessein n’était pas de rendre visite à ses tantes, il m’a demandé si je voulais recevoir celle de sa cousine Charlotte Montaigu, et prendre une servante de sa main. Cette proposition, lui ai-je dit, n’était point à rejeter. Mais j’étais bien aise auparavant de voir si mes amis m’enverraient mes habits, pour n’avoir pas, aux yeux des siens, l’air d’une étourdie et d’une fugitive. Si je le jugeais à propos, il ferait un second voyage à Windsor, où ses recherches seraient encore plus exactes, parmi les chanoines, et dans les plus honnêtes maisons de la ville. Je lui ai demandé si ses objections contre ce lieu n’avoient pas toujours la même force ? Je me souviens, ma chère, que, dans une de vos lettres, vous m’avez vanté Londres, comme la plus sûre de toutes les retraites. Je lui ai dit que ses prétextes pour ne me pas laisser ici, me faisant assez connaître que ce n’était pas son dessein, et la parole qu’il m’a donnée de s’éloigner lorsque je serai dans un autre lieu, devant me persuader qu’il y sera fidèle aussi-tôt que j’aurai changé de demeure, sans compter que sa présence rend ici mon logement fort incommode, je n’aurais pas d’éloignement pour le séjour de Londres, si j’avais quelque connaissance dans cette grande ville.