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Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/472

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inutilement jusqu’aujourd’hui. Mais convenez que vous ne vous seriez pas écartée d’un sujet plus agréable et plus conforme à notre situation, si vous n’aviez pris un plaisir trop cruel à mortifier un homme qui a paru jusqu’ici devant vous avec trop de défiance de son propre mérite, pour avoir osé vous ouvrir librement son ame. Ayez la bonté de revenir au sujet que vous avez quitté ; et, dans un autre tems, j’embrasserai volontiers ma correction, de la seule bouche du monde de qui je puisse la recevoir avec joie. Vous parlez souvent de réformation, M Lovelace, et c’est une confession de vos erreurs ; mais je vois que vous recevez fort mal des reproches, auxquels vous craignez peut-être assez peu de donner occasion. Je suis bien éloignée de prendre plaisir à relever vos défauts. Dans la situation où je suis, il serait à souhaiter pour vous et pour moi que je n’eusse à faire que votre éloge. Mais puis-je fermer les yeux sur ce qui les blesse, lorsque je souhaite qu’on me croie sérieusement attachée à mes propres devoirs ? J’admire votre délicatesse, mademoiselle, a-t-il encore interrompu. Quoique j’en aie quelque chose à souffrir, je ne désirerais pas que vous en eussiez moins. Elle vient du sentiment de vos propres perfections, qui vous élèvent au-dessus de mon sexe, et même au-dessus du vôtre : elle vous est naturelle : elle ne doit pas vous paraître extraordinaire. Mais la terre n’offre rien qui en approche, m’a dit le flatteur. Dans quelle compagnie a-t-il vécu ? Ensuite reprenant notre premier sujet ; vous m’avez fait la grâce de me demander mon conseil : je ne désire que de vous rendre tranquille ; de vous voir fixée à votre gré ; votre fidèle Hannah près de vous ; votre réconciliation heureusement commencée. Mais je prends la liberté de vous proposer différentes ouvertures, dans l’espérance qu’il s’en trouvera une de votre goût. J’irai chez Madame Howe, ou chez tout autre qu’il vous plaira de nommer, et je m’efforcerai de les engager à vous recevoir chez eux. Auriez-vous plus de penchant à vous rendre à Florence auprès de M Morden, votre cousin et votre curateur ? Je vous offre des commodités pour ce voyage, soit par mer jusqu’à Livourne, soit par terre en traversant la France. Peut-être engagerai-je quelque dame de ma famille à vous accompagner. Miss Charlotte ou Miss Patty saisiront volontiers l’occasion de voir la France et l’Italie. Pour moi, je ne vous servirai que d’escorte, déguisé, si vous le souhaitez, couvert de votre livrée, afin que votre délicatesse ne soit pas blessée de me voir à votre suite. Je lui ai dit que ces projets demandaient un peu de réflexions, mais qu’ayant écrit à ma sœur et à ma tante Hervey, leur réponse, si j’en recevais quelqu’une, pourrait servir à me déterminer ; qu’en attendant, s’il voulait se retirer, j’examinerais particulièrement la proposition qui regardait M Morden ; et que, si je la goûtais assez pour la communiquer à Miss Howe, il serait informé de mes résolutions dans l’espace d’une heure. Il est sorti respectueusement. étant revenu une heure après, je lui ai dit qu’il me paroissait inutile de vous consulter ; que le retour de M Morden ne pouvait être éloigné ; que dans la supposition même de mon départ pour l’Italie, je ne souffrirais point qu’il m’accompagnât sous aucune forme ; qu’il y avait peu d’apparence que l’une ou l’autre de