Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/492

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moyen, ajoute-t-elle, de prouver votre indépendance. Voilà votre devoir, ma chère, dans l’opinion de ma mère. Je suppose que votre première lettre, adressée à M Hickman, me viendra de Londres. Votre honneur et votre sûreté sont l’unique objet de mes prières. Je ne puis m’imaginer comment vous faites pour changer d’habits. Ma surprise augmente sans cesse, de voir l’obstination de vos proches à vous laisser dans l’embarras. Je ne comprends pas quelles peuvent être leurs vues. Ils vous jetteront entre ses bras, soit que vous le vouliez ou non. J’envoie ma lettre par Robert, pour ne pas perdre de tems, et je ne puis que vous répéter l’offre de mes plus ardens services. Adieu, ma très-chère, et mon unique amie. Anne Howe.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

jeudi, 20 avril. Je me croirais absolument indigne de votre amitié, si mes plus pressans intérêts ne me laissaient pas trouver assez de loisir pour déclarer en peu de mots, à ma chère amie, combien je suis éloignée d’approuver sa conduite, dans des circonstances où sa générosité l’empêche apparemment de reconnaître sa faute, mais où j’ai plus de raison qu’une autre d’en gémir, parce que j’ai le malheur d’en être l’occasion. Vous savez, dites-vous, que vos démêlés avec votre mère m’affligeront beaucoup ; et vous voulez que, par conséquent, je m’épargne la peine de vous le dire. Ce n’est pas là, ma chère, ce que vous désiriez autrefois. Vous me répétiez souvent que vous n’en aviez que plus d’amitié pour moi, lorsque je vous faisais des plaintes de cette excessive vivacité, dont votre bon sens vous apprenait à vous défier. Quoique malheureusement tombée, quoique dans l’infortune, si jamais j’ai valu quelque chose par le jugement, c’est aujourd’hui que je mérite d’être écoutée, parce que je puis parler de moi-même aussi librement que d’aucune autre, et lorsque ma faute devient contagieuse, lorsqu’elle vous entraîne dans une correspondance qui vous est défendue, n’élèverai-je point ma voix contre une désobéissance dont les suites, quelles qu’elles puissent être, aggraveront mon erreur, et la feront regarder comme la racine d’une si mauvaise branche ? L’ame qui peut mettre sa gloire dans la constance et la fermeté d’une aussi noble amitié que la vôtre, d’une amitié qui est à l’épreuve de la fortune, et qui croît avec les disgrâces de la personne aimée, cette ame doit être incapable de prendre mal les avertissemens ou les conseils de l’ami pour lequel elle a des sentimens si distingués. Ainsi la liberté que je prends n’a pas besoin d’apologie. Elle en demande d’autant moins, que, dans les conjonctures présentes, elle est l’effet d’un désintéressement si absolu, qu’il tend à me priver de la seule consolation qui me reste. Votre humeur chagrine ; l’action de déchirer entre les mains de votre mère une lettre qu’elle avait droit de lire, et de la brûler, comme vous